L’année 1948 a été décisive pour l’Europe face à l’URSS dont les ambitions hégémoniques s’accroissaient. Le coup de Prague, voyant la Tchécoslovaquie rejoindre le camp communiste, a ébranlé les Alliés qui ne cédèrent pas face au blocus de Berlin. La mise en place du pont aérien sauva la ville et conforta les Occidentaux face à Moscou.
1948 : la séquence fondatrice
1948: the Founding Sequence
The year 1948 was decisive for Europe in the face of the growing hegemony of the USSR. The Czech coup d’état, which led to Czechoslovakia joining the communist camp, shook the allies, who refused to give in to the Berlin blockade. The establishment of the air bridge saved the city and reinforced the Western nations facing Moscow.
Deux crises majeures en 1948, le coup de Prague et le blocus de Berlin, donnèrent brutalement à la guerre froide un tour dramatique. Du coup les Européens demandèrent aux États-Unis de renforcer leur engagement et, au-delà du Plan Marshall d’aide économique et financière, de le porter sur le plan militaire, ce qui conduisit au Pacte atlantique d’avril 1949. Parallèlement le problème allemand évoluait, de façon inéluctable, vers la création de deux États : ce sera chose faite à l’automne 1949. Il faut prendre conscience de l’accélération des événements et de la fantastique imbrication de tous les problèmes : pendant l’hiver 1947-1948, en deux mois, l’ensemble de l’Europe de l’Est fut normalisé ; en février, ce fut le coup de Prague ; le 17 mars, c’était la signature du Traité de Bruxelles ; fin mars, les difficultés commencèrent sur les voies d’accès à Berlin ; le 18 avril, c’étaient les élections décisives qui virent l’échec des communistes en Italie ; le 4 juin étaient signés les Accords de Londres sur l’Allemagne ; le 22 juin, le blocus de Berlin commençait ; le 28 juin, c’était la rupture Tito-Staline.
Le discours de Bevin du 22 janvier 1948
L’année commença avec le discours prononcé par le ministre des Affaires étrangères britannique Ernest Bevin devant les Communes, le 22 janvier. Le climat était lourd, on s’inquiétait en Occident des perspectives du printemps 1948, en Tchécoslovaquie, en Autriche, à propos de l’Allemagne, et aussi à propos de l’échéance capitale du 18 avril, date des élections italiennes. On était très préoccupé également par l’aggravation de la situation en Grèce, où le parti communiste avait formé en décembre un gouvernement provisoire. Bevin déclara que les nations libres d’Europe occidentale devaient s’unir. Il proposait d’élargir le traité franco-britannique de Dunkerque de mars 1947, au Benelux et à d’autres pays, dont l’Italie. Il évoqua la constitution d’une « Western Union », terme vague à dessein. En effet, Bevin pensait que la participation des États-Unis à la sécurité de l’Europe occidentale était indispensable, mais il ne voulait pas le dire publiquement, pour ne pas compliquer la ratification en cours devant le Congrès, fort difficile, du Plan Marshall. Bevin resta très vague sur le contenu de la « Western Union ». Mais en fait, il pensait surtout à s’appuyer sur le concept d’Union occidentale pour demander aux États-Unis d’aider l’Europe à se défendre. Cependant, les Américains refusèrent, au moins tant que les Européens de l’Ouest ne se seraient pas unis. À ce moment-là, Washington verrait ce que l’on pourrait faire (1).
Il s’agissait donc le 22 janvier d’un discours défensif, résultant de la perception de plus en plus pessimiste que l’on avait à Londres de la menace soviétique depuis l’automne 1947. Mais Staline comprit ce discours comme offensif, comme menaçant les positions soviétiques. Sa réaction conféra d’ailleurs une profonde logique interne aux événements apparemment décousus de l’année 1948. Il voulut renforcer définitivement la situation de l’URSS en Europe orientale, qu’il crut, à tort, menacée par la politique britannique. D’où le coup de Prague, pour achever la communisation de la Tchécoslovaquie et geler définitivement la situation dans ce pays. D’où la rupture avec Tito au mois de juin, pour resserrer le contrôle soviétique sur l’Europe de l’Est. Et il contre-attaqua à Berlin, point faible des Occidentaux, pour relancer la question allemande (2).
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