Les événements de mai 68 ont montré la discipline et la solidité des unités de la gendarmerie mobile mais aussi des lacunes dans l’équipement et l’entraînement. Une véritable révolution des méthodes va suivre la création emblématique du Centre de perfectionnement de la gendarmerie mobile (CPGM) de Saint-Astier, permettant une meilleure formation des gendarmes au maintien de l’ordre.
En mai 68, la gendarmerie mobile fait aussi sa révolution
The Mobile Gendarmerie had its own Revolution in May 68
The events of May 1968 demonstrated the discipline and coherence of units of the mobile gendarmerie, but also highlighted failures in their equipment and training. The notable creation of the Centre de perfectionnement de la gendarmerie mobile (CPGM) in Saint-Astier led to a revolution in methods that allowed better training of gendarmes in the maintenance of law and order.
L’histoire du maintien de l’ordre en France est marquée par des ruptures qui ont conduit à des évolutions de doctrine, d’organisation et des matériels des unités qui en ont la charge. Il s’est toujours agi, pour la gendarmerie comme pour la police, de s’adapter à la physionomie de l’adversaire et à ses modes d’action évolutifs. La fameuse « révolution sociétale » de mai 68 a d’abord été, pour la gendarmerie mobile, une vaste opération de rétablissement de l’ordre dont elle a tiré un certain nombre d’enseignements. Les événements de mai-juin ont eu sans conteste des effets positifs et non négligeables sur le gendarme mobile de 1968, décrit comme un soldat aguerri, car il avait bien souvent fait la guerre d’Algérie, voire d’autres campagnes, et dont « la haute valeur morale et le professionnalisme » conjugués à « la cohésion [ont] permis d’éviter le pire malgré la fatigue, les difficultés rencontrées et la modicité des moyens matériels » (1).
Avant tout, le personnel va être éprouvé physiquement et nerveusement par ces deux mois. Déplacement compris, certaines unités effectuent des services d’une quinzaine d’heures et la question du repos est des plus cruciales pour les hommes mais aussi pour le commandement qui gère l’emploi des escadrons. Dans l’ensemble, les gendarmes mobiles sont surpris par leur adversaire dont ils discernent très mal les motivations. Souvent, ils regrettent de ne pas « avoir reçu d’ordres pour faire disparaître les barricades » (2) avant qu’elles ne soient complètement érigées. Le flottement des autorités qu’ils perçoivent parfaitement fin mai, n’affecte pas leur service, mais le retour du général de Gaulle entraîne un regain de dynamisme au sein des unités. Un autre souci majeur est l’état du cantonnement. Au fort de Vincennes, il est jugé « infect » (3) tandis qu’à Maisons-Alfort, « les conditions de logement s’améliorent au fur et à mesure de la relève des escadrons » (4). L’escadron 1/14 de Toulouse se voit attribuer une écurie de l’École militaire qu’il partage avec d’autres unités, d’où de nombreux désagréments : « Des bâches sont tendues entre les boxes […] le bruit est infernal ». Il y règne une « odeur de cuisine » et les « relèves des EGM de jour comme de nuit [rendent] le repos difficile » (5). Il faut, de plus, assurer les services au cantonnement comme la garde au poste de police, l’entretien du matériel et de l’armement, voire tout simplement celui de l’homme et du linge. Sur le terrain, les relations avec les commissaires sont généralement très bonnes et les uns et les autres sont d’accord pour reconnaître le professionnalisme de la troupe à l’exemple du commissaire principal Chevallier qui note que « les GM et les CRS [qu’il a eu] à commander ont fait preuve d’un esprit de collaboration absolue et d’une discipline qui méritent d’être signalées » (6).
Si le problème des effectifs soucie le préfet de police et le commandement, celui de l’équipement révèle une criante insuffisance : « Les escadrons de gendarmerie mobile ne sont pas équipés pour participer efficacement à des opérations de maintien de l’ordre de cette envergure » (7) note un commandant d’unité après la première quinzaine de mai. Les gendarmes se présentent au maintien de l’ordre avec le fusil MAS 36 et le casque modèle 1951 composé d’un casque « lourd » et d’un casque « léger » qu’il leur faut maintenir d’une main quand ils courent. Ils portent la vareuse, le pantalon bleu à galon noir, les « rangers », la chemise bleue, la cravate et le baudrier. De fait, cette tenue ne diffère en rien de celle du service courant et, sujet à récriminations, les éléments qui permettent aux manifestants de saisir le gendarme sont bien trop nombreux (poche, cravate, baudrier, ceinturon, revers de veste). Pourtant, c’est le casque qui retient, mais pas uniquement, l’attention première des officiers d’encadrement. Ils souhaitent qu’il soit équipé d’une visière amovible, d’une mentonnière et estiment qu’il pourrait même être en matière plastique (8). En attendant, la décision est prise d’équiper les unités du casque type « troupes aéroportées modèle 1956 » et d’étudier une nouvelle tenue adaptée aux exigences du nouveau maintien de l’ordre (9). Le matériel suscite lui aussi la critique. Les postes radio sont jugés obsolètes et inefficaces dans Paris, hormis les liaisons VHF. Les fourgons-cars sont solides mais « lourds à manœuvrer dans les petites rues et les virages un peu serrés [et ils] ralentissent l’action » (10). Alors que l’adversaire est extrêmement mobile, c’est l’effet de masse qui prévaut ce qui impose un rythme haché durant les opérations. Les manifestants ont tout le temps de se replier et d’ériger de nouveaux obstacles. Les gendarmes ne peuvent, en outre, les disperser quand ils se trouvent sur les toits, car ils ne sont pas équipés de fusils lance-grenades.
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