La menace terroriste NRBC en mer est une hypothèse sérieuse qu’on ne peut plus exclure. Cela oblige à prendre des mesures en s’appuyant sur des conventions internationales contraignantes. La France se veut très présente et active sur ce dossier sensible.
La lutte contre le terrorisme NRBC en mer
The Fight Against CBRN Terrorism at Sea
A terrorist CBRN threat at sea is a serious supposition that can no longer be ignored. To accommodate it will mean taking measures based on international conventions, but within their constraints, too. France seeks to be a present and active contributor to this sensitive matter.
En l’espace de trois mois, la France a adopté deux textes permettant de renforcer la lutte contre les risques nucléaire, radiologique, biologique et chimique (NRBC) en mer. Le 17 novembre 2017, le Parlement a définitivement adopté le projet de loi (1) autorisant la ratification du protocole relatif à la convention pour la répression d’actes illicites contre la sécurité de la navigation maritime (SUA 2005). Le 19 février 2018, c’est le secrétaire général de la mer (par délégation du Premier ministre) qui prend une instruction relative à la mise en œuvre de la capacité nationale de renfort pour les interventions à bord des navires (Capinav) (2). Ces deux textes permettent d’organiser, entre autres, la réponse à un déversement intentionnel de substances dangereuses ou nocives en mer, ou d’incriminer le transport maritime illégal de ces produits. L’instruction ministérielle renforce les moyens ouverts à la Capinav et inscrit expressément dans le champ couvert par les contrats opérationnels les risques technologiques – NRBC quand la Convention SUA 2005 crée une nouvelle incrimination contre ce qui apparaît comme une action de terrorisme écologique.
La menace est réelle. Dans son étude prospective Chocs futurs (3), le Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN) pointe « la volonté manifeste de certains groupes terroristes d’acquérir tout type de substances nucléaire, radiologique, biologique et chimique », plaçant ainsi la menace NRBC parmi les plus importantes à l’horizon 2030. Il s’appuie pour cela sur l’analyse des derniers attentats dont la liste démontre une acquisition continuelle de capacités NRBC (4). Par ailleurs, on sait que, au temps de son hégémonie, la nébuleuse Al-Qaïda a montré un intérêt manifeste pour ce type d’armes, intérêt porté par le chimiste égyptien Midhat Mursi-al Sayid tué en 2008 par un tir de missile d’origine américaine. L’État islamique se serait, quant à lui, procuré des armes chimiques remises par des déserteurs du mouvement islamique al-Nosra (5). Cette menace est prise au sérieux depuis quelques années par les autorités françaises : Manuel Valls, alors Premier ministre, évoquait « le risque d’armes chimiques ou bactériologiques » (6) lors de l’examen de la prolongation de l’État d’urgence à la suite des attentats de Paris et de Saint-Denis en novembre 2015. En 2013 déjà, le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale évaluait la menace et cherchait à l’analyser dans une approche globale (7). La question de la menace d’une attaque NRBC, aujourd’hui cantonnée à la terre, se posera immanquablement en mer sous l’effet d’un double facteur : on sait que les attentats terroristes maritimes suivent le plus souvent à quelques années près le schéma des attentats terrestres (8) et des signaux sporadiques indiquent des velléités des groupes terroristes djihadistes de se doter de capacités navales. Ainsi, un jeune officier de la marine marchande britannique, Ali Alosaimi, a rejoint les rangs de l’État islamique rappelant que le prochain théâtre d’opérations pourrait être maritime, quand on sait qu’Al-Qaïda avait en son temps mis sur pied une section djihad maritime (attentat contre les destroyer USS Cole le 12 octobre 2000 et le pétrolier Limburg le 6 octobre 2002) et que l’État islamique a indiqué son intention d’utiliser la mer au moins comme vecteur de déplacements.
Dans ce contexte, pourtant, se pose la question de l’utilité de la ratification par la France de la convention SUA 2005. Elle semble en effet, d’un point de vue juridique, ne pas être absolument nécessaire à l’incrimination, en droit français, des déversements volontaires de substances polluantes en mer. D’un point de vue politique, en revanche, il s’agit d’un signe majeur envoyé aux opérateurs maritimes français et plus largement à la société au moment où la France s’est dotée d’une nouvelle législation antiterroriste renforcée.
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