Pékin s’est doté d’une stratégie d’influence pour affirmer sa puissance et relever les défis politiques, géostratégiques, économiques et sociaux. Face au risque réel d’un affrontement entre la Chine et les États-Unis, l’Europe se doit d’être plus proactive et proposer une nouvelle gouvernance des relations internationales.
Stratégie d’influence et affirmation de la puissance chinoise
A Strategy of Influence, and Assertion of Chinese Power
Beijing has adopted a strategy of influence to assert its power and meet political, geostrategic, economic and social challenges. Given the real risk of a confrontation between China and the United States, Europe needs to be more proactive to propose a new way of governing international relations.
L’honneur qui m’a été donné par Louis Gautier de prononcer la leçon inaugurale de la Chaire « Grands enjeux stratégiques contemporains » de la Sorbonne, dans le cadre d’un cycle de conférences consacrées à la Chine, m’a permis de faire le point sur un pays qui n’a cessé de nous étonner. Près de quinze ans après la signature du partenariat stratégique global, noué en 2004 à l’initiative de Jacques Chirac et de Hu Jintao, la Chine est en passe d’achever une mue qui en a fait l’une des premières puissances mondiales, souvent crainte, rarement comprise, à l’heure même où notre attention se porte essentiellement sur les incertitudes américaines. Or, tout concourt aujourd’hui aux prodromes d’un affrontement géopolitique majeur. Cela concerne, au premier chef, les États-Unis, mais la tentation du durcissement habite aussi de grands pays comme l’Inde, l’Australie ou, d’une manière différente, l’Allemagne et même la France.
Le basculement du monde vers l’Asie a eu lieu : après un XXe siècle américain, le XXIe siècle sera chinois. Face au risque croissant de bipolarisation du monde, la question est de savoir si la Chine est capable de construire un modèle original de puissance. La reconduction de Xi Jinping à la tête du parti en octobre 2017, et de l’État en mars 2018 a confirmé la singularité d’un modèle assumé comme autoritaire, tout en restant capable d’ouverture et soucieux de coopération internationale. Fidèles à une tradition d’équilibre et d’initiative, notre intérêt est d’accompagner l’émergence d’un ordre multipolaire au travers d’un partenariat exigeant avec la Chine.
La Chine s’est dotée d’un modèle autonome et attractif sur la scène mondiale
Première observation : on ne saurait comprendre l’ascension de la Chine sans y voir avant tout la renaissance d’un géant humilié par plus d’un siècle et demi d’effacement sur la scène mondiale. L’histoire récente nous dit combien la Chine a subi de revers, tour à tour infligés par les puissances européennes et asiatiques, dès 1842, avec les traités inégaux, l’ouverture forcée de son marché et le dépeçage d’un territoire dont l’Europe et le Japon se sont partagé les dépouilles. De cette profonde blessure, la Chine a fait le ressort de son ambition, d’abord en restaurant son indépendance politique à partir de 1949, ensuite à travers le « miracle chinois » depuis la fin des années 1970, qui a multiplié son PIB par 30 en moins de trente ans et sorti 700 millions de Chinois de la pauvreté. Le renouveau de la confiance chinoise est sans conteste la grande leçon du XIXe Congrès qui a permis, en octobre dernier, de réaffirmer l’unité du Parti, la fierté de la Nation et la légitimité de l’État.
Il reste 89 % de l'article à lire
Plan de l'article