Le projet OBOR (One Belt, One Road) implique la Russie qui souhaite être partie prenante dans les grandes réalisations prévues. Moscou s’efforce de nouer des liens économiques plus conséquents ave Pékin, même si dans la réalité les objectifs politiques et stratégiques ne coïncident pas malgré les déclarations officielles.
Chine-Russie : Moscou à l’initiative face aux nouvelles routes de la soie chinoises
China-Russia: Faced with new Chinese Silk Routes, Moscow takes the initiative
Russia is seeking to take part in the grand plan of the Belt and Road Initiative. Moscow is making efforts to establish deeper economic links with Beijing though despite official declarations their political and strategic objectives are in reality somewhat different.
Initialement plutôt réservé, voire sur la défensive, face à l’annonce par les dirigeants chinois de leur projet de nouvelles routes de la soie, Moscou a par la suite non seulement affiché son approbation mais aussi fait valoir son propre potentiel comme partie prenante. La déclaration commune des présidents Vladimir Poutine et Xi Jinping du 8 mai 2015 annonçant leur volonté d’assurer une connexion, une coordination entre le projet chinois et l’Union économique eurasiatique (UEE) (1) en a été une illustration politiquement marquante. Cette évolution de l’attitude de la Russie est cohérente avec certains des objectifs principaux de sa politique extérieure à la fin du troisième mandat présidentiel de Vladimir Poutine : renforcer le partenariat avec la Chine, conforter l’image de la Russie comme grande puissance qui contribue à la recomposition de l’ordre international, étayer son narratif sur l’affaiblissement du leadership occidental.
Renforcer le partenariat sino-russe
En mai 2017, Vladimir Poutine comptait au nombre des chefs d’État étrangers qui participaient au Forum One Belt, One Road organisé à Pékin par les autorités chinoises. S’exprimant, de façon symbolique, immédiatement à la suite de Xi Jinping lors de la cérémonie d’ouverture de cet événement, le Président russe n’a pas tari d’éloges sur ce projet, le qualifiant de constructif et de profitable à toute l’Eurasie. Cette appréciation est rejointe par beaucoup de politologues russes estimant que les Routes de la soie chinoises sont « pleinement conformes aux intérêts de la Russie liés au projet d’intégration eurasiatique » et « répondent aussi parfaitement au tournant vers l’Est » de Moscou (voir dossier « Poutine, cap vers l’Asie ? », Diplomatie). Ainsi, la connexion Routes de la Soie – UEE, « fondée sur un “partenariat Chine-Russie” fort, va aider à mettre en œuvre de nombreux programmes économiques nourrissant la stabilité politique » en Eurasie (Bordachev, Skriba, Kazakova).
Certes, la Russie avait initialement accueilli le projet chinois avec une certaine fraîcheur, ce dernier ayant des applications directes dans son « étranger proche », en particulier l’Asie centrale (Gabuev, Lukin). Toutefois, Moscou a rapidement revu sa posture. Pouvait-elle, en effet, se permettre d’opter pour une attitude bloquante sur un projet aussi structurant dans l’agenda de son partenaire chinois ? La réponse est non. À l’heure où, dans le contexte de la crise de ses rapports stratégiques avec l’Occident, Moscou a plus que jamais intérêt à mettre en avant la densité de ses relations avec Pékin. Chercher à contrecarrer les intentions chinoises en Asie centrale aurait-il eu un sens, alors que depuis les années 2000, le Kremlin n’a pu empêcher, malgré ses pressions, les républiques centrasiatiques de développer leurs relations économiques avec Pékin, en particulier dans le domaine sensible de l’énergie ? Ces pays, qui, en 2013, commerçaient à hauteur de 50 Md$ avec la Chine contre 30 milliards pour la Russie (Orozobekova), comptent profiter des opportunités qu’offrent potentiellement les initiatives chinoises. S’y opposer frontalement reviendrait, pour Moscou, à compliquer plus avant ses relations avec ces pays, déjà endommagées par la crise ukrainienne. A contrario, une attitude plus ouverte peut apaiser leurs craintes quant au regain perçu des « instincts impérialistes » de Moscou, dont la présence est malgré tout considérée par les républiques centrasiatiques comme un appui dans leur effort destiné à modérer les effets de l’influence politique et économique grandissante de Pékin (2).
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