La Chine a repris sa place sur la scène internationale après des années d’effort visant à développer son économie. Pékin revendique désormais de participer aux affaires d’un monde multipolaire en proposant un nouveau type de leadership qui serait « facilitateur », donc mieux adapté que l’influence américaine jugée unilatérale.
Le retour de la Chine sur le devant de la scène : vers un nouveau leadership facilitateur ?
China’s Return to Front of Stage: Enter a New Style of Facilitatory Leadership?
China has returned to the international scene after years of effort expended on developing its economy. Beijing now wishes to take part in the business of a multipolar world by offering a new style of leadership said to be facilitatory, better adapted, it claims, than American influence, which it considers unilateral.
La Chine est en train de devenir un acteur international de plus en plus influent. Il est cependant difficile de parler, à son sujet, de nouvelle puissance ; il s’agit plutôt d’une puissance ré-émergente. En ce qui la concerne, le statut de grande puissance semble relever à la fois d’une question de nécessité et d’un retour naturel à la normalité. L’actuel pouvoir chinois a manifesté une détermination accrue à exploiter, dans sa politique étrangère, la puissance grandissante du pays. Faut-il en déduire que la Chine entend jouer dans le monde un rôle moteur ? Et quel type de leadership devrait et pourrait alors être le sien ? Afin de résoudre le problème conceptuel posé par cette question, nous allons nous efforcer de développer la notion de « leadership facilitateur », qui nous paraît de nature à assurer à la Chine, dans les affaires du monde, une position motrice aussi durable que constructive. Un leadership facilitateur, c’est en substance un leadership moins hégémonique que collectif, attrayant plutôt que coercitif, gagnant-gagnant et non égocentrique, émancipateur, enfin, plus que paternaliste.
Le déclin et le retour de la Chine
L’avènement de la dynastie Qin (221-207 av. J.-C.) a marqué un tournant dans l’histoire de la Chine, qui lui doit l’établissement d’un vaste empire unifié rassemblant une population « de quelque cinquante à soixante millions d’habitants », sous l’autorité d’une administration centrale. Depuis lors, si la Chine a connu des époques de division et de chaos, comme cela s’est produit pendant la célèbre période des Trois Royaumes (220-280), les dynasties unifiées qui se sont succédé au pouvoir ont en règle générale préservé leur statut de puissance dominante et écrasante au centre du système international hiérarchique en vigueur en Asie. Cette Pax Sinica s’est traduite, au plan institutionnel et diplomatique, par le système tributaire, apparu sous la dynastie Han (202 av. J.-C. – 220 apr. J.-C.) après la fin de la courte dynastie Qin ; le système des tributs se caractérise par la position hiérarchique centrale de la Chine, l’autonomie des États tributaires, l’octroi par les empereurs chinois d’avantages matériels importants et l’obligation faite à l’Empire de préserver la sécurité nationale des États tributaires.
Quand bien même cet ordre hiérarchique international centré sur la Chine valut à l’Asie orientale une stabilité substantielle, contrairement à l’Europe de la même époque, le fondement même du système – la prépondérance du pouvoir chinois et l’isolement de l’Asie par rapport au reste du monde – s’est évanoui au XIXe siècle. L’arrivée des puissances coloniales occidentales, renforcées par les technologies modernes issues de la révolution industrielle et nanties de forces militaires avancées, a obligé la dynastie chinoise, chancelante, à entériner la perte progressive de sa centralité en Asie. Dès la première guerre de l’opium (1840-1842), la Chine connaîtra des défaites répétées dans ses conflits avec les puissances occidentales. Elle sera contrainte de céder aux puissances coloniales des droits commerciaux et extraterritoriaux, et même des territoires, tandis que ses États tributaires tomberont sous la coupe d’anciens et nouveaux États impériaux.
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