Le concept d’Indo-Pacifique est en train de se substituer à la notion d’Asie-Pacifique. Cette évolution n’est pas que sémantique et correspond à une approche stratégique moins sino-centrée et prenant mieux en compte les réalités d’une région multipolaire et hétérogène.
La Chine et l’Indo-Pacifique : multipolarité, solidarité et patience stratégique
China and the Indo-Pacific Zone: Multi-polarity, Solidarity and Strategic Patience
The concept of Indo-Pacific is starting to replace the notion of Asia-Pacific. This change is more than simply semantic, and corresponds to a strategic approach that is less centred on China and which takes more into account the realities of a multipolar and heterogeneous region.
Il est temps de revoir la carte stratégique de l’Asie. L’éphémère notion d’« Asie-Pacifique » est en train de faire place à l’« Indo-Pacifique » : plus qu’une obscure distinction de terminologie cartographique, il s’agit là d’une évolution en matière de sécurité et de stabilité internationales, surtout lorsqu’entrent en ligne de compte les effets de la puissance chinoise sur sa région et, in fine, sur le monde.
Vu de Chine, un enjeu déjà important
Depuis quelques années, une idée grandit : le « recadrage » de l’Asie-Pacifique au profit de la notion d’Indo-Pacifique, autrement dit, d’un système stratégique à deux océans, aux frontières fluides et au cœur asiatique.1 L’initiative est cohérente avec la géographie et les vues de mon propre pays, l’Australie, devenu, il y a cinq ans, le premier au monde à redéfinir officiellement sous ce nom d’Indo-Pacifique la région recoupant ses principaux intérêts en termes de sécurité et de diplomatie.2 Depuis quelque temps déjà, lorsqu’ils parlent de diplomatie, de géoéconomie et de stratégie régionales, les dirigeants japonais, indiens, australiens, américains ainsi que les puissances européennes, c’est le cas de la France, s’intéressent elles aussi à l’évolution de la manière dont les nations asiatiques déterminent le cadre de la région.
Le débat indo-pacifique porte en grande partie sur la Chine. La région n’est pas sino-centrée, mais sans la Chine, il n’y aurait pas d’Indo-Pacifique. Il est révélateur qu’au début de l’année 2018, le ministre chinois des Affaires étrangères Wang Yi ait qualifié l’Indo-Pacifique d’idée « accrocheuse » appelée à bientôt « se dissoudre comme l’écume de l’océan ».3 Pourquoi les dirigeants chinois éprouvent-ils le besoin de critiquer la simple utilisation de l’expression « Indo-Pacifique » ? Pékin verrait-il dans ces deux petits mots le germe de quelque chose de plus substantiel, d’une sorte de défi ou de risque stratégique ?
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