Les progrès de l’Intelligence artificielle (IA) pourraient avoir un impact sur le soldat avec la recherche de nouvelles performances. Ce type d’évolution est désormais possible avec une confrontation éthique probable entre des approches techniques et financières, et une autre humaniste. D’où la nécessité d’une vigilance face aux risques de dérapage.
L’avenir du soldat est-il celui de l’homme augmenté ? (2/2)
Is the Future Soldier Destined to be an Enhanced Human?(2/2)
Progress in artificial intelligence might well have an impact on the soldier in the search for new levels of performance. Such development is now possible, albeit with confrontations likely between technical, financial and humanist approaches. Hence great caution is required, given the risk of error.
Après avoir exposé dans une première partie les différentes possibilités d’augmentation génétiques de l’homme, nous abordons ici les possibilités d’augmentations techniques du soldat susceptibles de se faire sous deux angles différents mais complémentaires : une augmentation physique par le recours à la bionique au vu des applications robotiques ; une augmentation des capacités cérébrales par la greffe de neurones artificielles et/ou l’interconnexion avec des serveurs dotés d’intelligence artificielle (IA).
De l’augmentation physique par le recours à la bionique au vu des applications robotiques…
La « Robotique » connaît des progrès fulgurants. Le Robot « Atlas » de Boston Dynamics, l’auteur d’un salto arrière avec réception, constitue sans aucun doute l’illustration la plus parlante de ce que la technique est en train de morpho-imiter parfaitement les capacités de l’homme en termes de déplacement et de mouvement en conciliant force, souplesse et précision. Naturellement, la question de l’apport technique afin d’augmenter les capacités physiques de l’homme s’inscrit dans la suite logique de ces recherches. Toutefois, il faut dissocier ici deux logiques : une logique exogène allant de l’exosquelette à la lentille de contact dynamique (1) en passant par l’implant sous-cutané (géolocalisation) permettant d’être connecté en permanence avec des soldats en opération ; et une logique endogène ou connectée qui implique un apport technique en liaison dynamique avec le corps humain, que ce soit pour remplacer un membre défaillant, endommagé ou détruit, ou pour modifier techniquement les capacités d’un organe afin d’en accroître ses performances. C’est ici à la bionique, dénomination que l’on doit à un officier américain, le major Jack E. Steele de l’U.S. Air Force, qu’il faut s’intéresser. Tout d’abord parce que le soldat est aussi un blessé qu’il faut reconstruire tant psychologiquement que physiquement. Or, les blessures physiques les plus graves non létales, notamment du fait de mines ou d’engins explosifs improvisés, entraînent des handicaps à vie affectant en particulier les membres inférieurs, les parties génitales (2), la vue, l’audition, etc. La technique peut naturellement contribuer à apporter des réponses à ces séquelles via des greffes mécaniques pour restaurer des fonctionnalités perdues. Mais, elle peut aussi vouloir imiter la nature en en reprenant la mécanique architecturale tout en lui ajoutant une amélioration via une greffe mécanique à l’instar de la « lentille » envisagée par Google (3). Celle-ci est en réalité un implant oculaire cyborg remplaçant le cristallin humain afin de corriger définitivement la vue, mais permettant aussi une vision nocturne, le tout en liaison éventuelle avec un récepteur d’image. Cet implant qui remplace les lunettes et toute forme de correction, est susceptible de mise à jour et s’inscrit ainsi dans une logique que la société civile réclamera et que le commandement des forces spéciales, parce qu’il garantira une acuité visuelle en toutes circonstances (diurne, nocturne voire infrarouge) et la transmission de données sans aucun autre appareillage, exigera. La bionique va aussi s’inscrire dans cette logique existante de l’imagerie entière du corps humain qui permet aujourd’hui par résonance électromagnétique (IRM) de cartographier et de modéliser les particularités physiques de tout individu. Avec une telle précision d’image en trois dimensions, il est possible d’envisager la création de pièces de rechanges identiques via une imprimante 3D dans des matériaux composites qui pourront être substitués, durablement ou temporairement, aux os, aux parties molles, aux tendons, aux nerfs et ligaments par d’autres matériaux plus résistants aux chocs ou à l’effort. La possibilité de connecter des membres artificiels en substitution de membres endommagés à nos centres nerveux pourrait devenir une réalité simple : en effet, en 2014, une expérimentation recourant à l’utilisation d’un alliage de métal liquide (gallium-indium-sélénium) qui imite les fluides corporels a pu ainsi reconnecter le nerf sciatique sectionné (volontairement) chez des grenouilles par des chercheurs de l’Université Tsinghua en Chine (4). Quoique le suivi de ce genre d’expérience n’est pas simple, elle laisse entrevoir une interconnexion électrique possible et facile entre le biologique et l’artificiel pour tous les organes. L’amputation d’un blessé pourrait ainsi être suivie d’une greffe bionique avec des membres élaborés en matériaux de synthèse capable de donner des facultés physiques inconnues à ce jour.
À l’augmentation des capacités cérébrales par la greffe de neurones artificielles ou l’interconnexion avec des serveurs IA
Cette évolution amène à entrevoir une autre évolution ou révolution. Au-delà des capacités physiques qui permettent notre mouvement dans la dimension physique donc terrestre, la technique s’intéresse de très près à l’augmentation des capacités cérébrales de l’homme. Scientifiquement, toutes les possibilités sont ouvertes et font appel aux mêmes procédés allant de l’utilisation de substances dopantes, jusqu’au recours aux moyens artificiels en passant par des modifications génétiques. Cependant, les avancées fulgurantes en intelligence artificielle (IA) laissent entrevoir une double révolution avec des effets détonants à un horizon évalué, selon les cas, entre vingt-cinq et cinquante ans. La première révolution concerne justement le fait que l’IA n’est pas simplement un supercalculateur capable de traiter des quantités de données à une vitesse exponentielle, l’IA devient un système réflexif capable d’évaluer des données pour rechercher et créer des solutions avec une faculté d’amélioration permanente. En clair, la mise au point des neurones artificiels et leur connexion en couche profonde permettent de copier le fonctionnement du cerveau humain en termes d’apprentissage et donc de démarche empirique mais avec une puissance dépassant largement celle du plus puissant des cerveaux humains. La machine est ainsi capable de découvrir par objectif mais elle serait aussi capable de « sérendipité », bref de découvrir aussi de manière fortuite non conduite et d’intégrer cette découverte dans ses propres données pour les faire évoluer.
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