La Grande histoire vue de la mer
La Grande histoire vue de la mer
Christian Buchet est vice-doyen de la faculté des lettres de l’Institut catholique de Paris et membre de l’Académie de marine. Il a surtout été le directeur scientifique du projet Océanides. Ce projet a rassemblé 260 chercheurs de 40 pays pendant cinq ans afin d’écrire une histoire mondiale maritime couvrante les derniers 5 000 ans. Ce projet a entraîné la parution de quatre grands volumes : The Sea in History/La mer dans l’histoire (Boydell & Brewer). Chaque volume traite une période : l’Antiquité, le Moyen-Âge, l’histoire moderne ainsi que l’histoire contemporaine.
L’ouvrage ici présenté – La grande histoire vue de la mer – est une synthèse de ce gigantesque travail dont le but était de présenter l’histoire humaine vue par la mer. Nous présentons ici les grandes lignes de ces 200 pages ; mais elles méritent vraiment une lecture attentive. Les images, à elles seules, justifient son prix. Le résultat montre que la mer est le moteur de l’histoire. En temps de guerre et de paix, c’est toujours celui qui contrôle la mer qui domine : la capacité portuaire, les bâtiments de guerre, les navires de commerce et de pêche ainsi que la recherche scientifique entrent tous dans cette équation.
Pourquoi en est-il ainsi ? La réponse est que les frontières terrestres enferment et l’homme tend à rester chez lui. La mer, au contraire, ouvre les perspectives ; la frontière, c’est l’horizon et il se renouvelle tout au long du voyage.
L’aventure de l’homme commença beaucoup plus tôt qu’on ne l’avait estimé. Notre très ancien ancêtre, l’homo erectus (1 000 000 –140 000 av. J.-C.) se distinguait des singes, notamment parce qu’il pouvait prendre la mer. Il pouvait donc se déplacer au-delà de son foyer initial jusqu’à Java. Nos ancêtres, un peu moins anciens, réussirent à coloniser les Açores des milliers d’années avant notre ère. Le cabotage côtier existait déjà il y a 50 000 ans comme en témoigne un pétroglyphe de Tanumshede (en Suède). Un autre exemple, la Mésopotamie – pays entre deux fleuves – put, grâce au commerce maritime, se procurer des marchandises qui n’y existaient pas comme le cuivre et le bois de construction. Vers l’année mille de notre ère, il y eut des liaisons maritimes établies entre la Chine, l’Inde et ensuite vers la mer Rouge.
Premier empire de la mer fut l’Empire Perse vers 500 av. J.-C. Puis ces empires se succédèrent : les Grecs, les Romains… La Russie, sous Pierre le Grand, put commencer sa marche vers le statut d’une grande puissance quand elle réussit à créer un port en mer Baltique et, en conséquence, à bénéficier de ce développement que seule la mer offre. La Chine, au contraire, fit marche arrière quand elle prit la décision de rester dans ses frontières en 1433 après J.-C. Un vide bientôt rempli par les Portugais.
Le développement anglais est un bon exemple d’une spirale vertueuse : la croissance économique améliora les finances d’État, permettant de construire une belle marine avec la mission de protéger les communications navales nécessaires à la croissance. La France, malheureusement, fit la démarche inverse avec les conséquences qu’on sait, entre autres la famine et la révolution. L’auteur se demande si son développement économique n’aurait pas été meilleur si on avait choisi une ville plus proche de la côte, telle Rouen, comme capitale, au lieu de Paris, plus éloignée de la mer.
Nous – et le livre – entrons maintenant dans l’ère des océans où l’homme devient davantage dépendant de la mer. La France, avec son immense Zone économique exclusive (ZEE), est bien placée pour en bénéficier. La grande histoire vue de la mer est un livre à lire pour le plaisir, pour apprendre et pour stimuler la réflexion. ♦