La Chine et les pays de l’ASEAN se retrouvent confrontés à un nouvel enjeu stratégique : la sécurité environnementale. Après la priorité absolue donnée au développement économique, la détérioration des espaces oblige à réagir et à prendre en compte le besoin de protection, à condition que les acteurs acceptent de travailler ensemble.
ASEAN-Chine et le nouvel enjeu de la sécurité environnementale
ASEAN, China and the New Challenge of Environmental Safety
China and the ASEAN countries are confronted by yet another strategic challenge, that of environmental safety. Following on from the absolute priority of economic development, deterioration of the environment requires attention and taking into account the need for protection. But the condition for this is that the players concerned agree to work together.
Les 10 nations de l’ASEAN et la Chine doivent aujourd’hui faire face aux conséquences environnementales de leur développement économique des trente dernières années et de leur croissance démographique. Les effets du changement climatique, la vulnérabilité intrinsèque de la région aux catastrophes naturelles, mais aussi les contentieux territoriaux en mer de Chine méridionale contribuent à l’aggravation du phénomène. On pourrait imaginer que le corpus international sur la protection de la biodiversité et la lutte contre le changement climatique soit suffisamment engageant, à défaut d’être contraignant, pour que les États s’orientent définitivement vers un développement durable en adaptant leurs politiques publiques. On pourrait espérer que la sécurité environnementale soit un thème d’inquiétude suffisamment transverse pour qu’une véritable coopération régionale voit le jour, allant même jusqu’à transcender les querelles territoriales. La prise de conscience semble bien réelle, comme en témoigne la multiplication des forums « environnementaux » au sein de l’ASEAN, mais aussi entre la Chine et l’ASEAN, les déclarations conjointes et plans d’action subséquents, le vocabulaire à tonalité « durable » dorénavant systématiquement employé dans les discours politiques. Mais l’ASEAN et la Chine semblent avancer sur des temps différents, et la coopération environnementale tarde à se concrétiser. Il convient donc de s’interroger sur les motivations respectives de l’ASEAN et de la Chine à traiter ces problématiques, les freins et contraintes à l’œuvre et enfin la réalité des perspectives de coopération.
Une exigence internationale qui s’impose à l’ASEAN et à la Chine
Selon l’Environmental Performance Index (EPI) 2018 (1), sur 180 pays examinés au filtre de 24 indicateurs de performance, 6 pays de l’ASEAN se trouvent dans la seconde moitié du classement (Thaïlande, Viêt Nam [Vietnam], Indonésie, Myanmar, Cambodge, Laos). Si Singapour fait figure de modèle à la 53e place, une majorité des pays d’Asie du Sud-Est souffre d’insécurité environnementale : pollution des rivières et des nappes phréatiques, pollution des sols, dispersion des déchets non dégradables, pollution de l’air dans les villes, destruction des récifs coralliens et quasi-disparition des ressources halieutiques côtières, et enfin la diminution irréversible de la biodiversité sont les maux qui affectent dorénavant les populations d’un point de vue sanitaire mais également dans leurs modes de vie. En Indonésie par exemple, seuls 30 % des habitants des villes et 10 % des habitants des villages ont accès à l’eau potable (2).
Certaines problématiques transverses touchent plusieurs pays de l’ASEAN, obligeant les États à réfléchir ensemble, à défaut de parvenir à réglementer en commun. C’est le cas en particulier des fumées toxiques causées par les brûlis forestiers en Indonésie qui ont provoqué près de 100 000 morts en 2015 (3), des conséquences de la pêche INN (illicite, non déclarée et non réglementée) qui mettent en péril l’accès des populations à leurs sources traditionnelles de protéines – selon l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), pour l’Indonésie, 40 % des protéines animales proviennent de la mer, 50 % pour les Philippines (4) – et de la problématique du bassin du Mékong où l’accès à l’eau douce est d’ores et déjà compromis par les nombreux barrages construits en amont par la Chine et la Thaïlande, et par la salinisation progressive du bassin. Par ailleurs, les effets du réchauffement climatique se font sentir dans cette partie du monde où, selon le bureau des Nations unies sur l’environnement, « 7 des 10 nations les plus vulnérables aux effets du changement climatique se trouvent en Asie-Pacifique ».
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