La Chine développe une coopération en matière d’armements avec les pays voisins en leur proposant de répondre à leurs besoins sécuritaires avec des équipements adaptés. Pékin peut ainsi mettre en place une diplomatie d’influence plutôt efficace sans contraintes politiques.
La coopération chinoise en matière d’armement vers les pays de l’ASEAN : une diplomatie d’influence
Chinese Arms Cooperation with ASEAN Countries: Diplomacy of Influence
China is developing arms cooperation with its neighbouring countries by offering to respond to their security needs with appropriate equipment. Beijing is therefore in a position to effect a policy of influence through diplomacy without political constraints.
La Chine est en passe de devenir un des gros exportateurs mondiaux d’armes et bouleverse les règles du jeu sur un marché très compétitif. Selon le Stockholm International Peace Research Institute (SIPRI), les exportations chinoises d’armement ont été multipliées par deux entre 2011 et 2016. Pour sa part, l’Asie du Sud-Est est une des régions qui a vu ses budgets d’acquisition de matériel de défense augmenter le plus ces dix dernières années (+ 57 % entre 2006 et 2016) (1), non seulement en raison du risque insurrectionnel, du risque terroriste, de la piraterie mais aussi… de la menace chinoise. Mais la Chine ne s’embarrasse pas de ces paradoxes. Pour Pékin, la coopération en matière d’armements constitue un instrument de politique étrangère et d’influence pour créer des dépendances stratégiques dans des zones considérées comme prioritaires pour ses intérêts. Par effet mécanique, cette coopération introduit des distorsions dans les schémas stratégiques traditionnels. Ainsi, les architectures de sécurité en place depuis plus de cinquante ans en Asie du Sud-Est et centrées autour du système d’alliances américain, sont à présent taraudées par les incessantes propositions et « invitations » émises par la Chine. La coopération en matière d’armement en constitue un axe assumé de part et d’autre. Ces démarches n’ont certes pas encore entraîné l’abandon de l’ordre post-Seconde Guerre mondiale mais elles ont fini par modifier les perceptions. Les petits pas persévérants et ciblés de Pékin ont permis de passer d’une « menace chinoise » à un (possible) « partenaire chinois ».
Une diplomatie chinoise de l’armement très active et ajustée
L’approche coopérative mise en place par la Chine, la politique de bon voisinage, l’accent sur « la paix et la prospérité » puis sur la « communauté de destin » ont eu pour objectif de lever les réticences et les méfiances des pays d’Asie du Sud-Est. Dans le même temps, plusieurs facteurs concourraient à renforcer les rapprochements dans le secteur de l’armement : la chute drastique des budgets de la défense des pays de l’ASEAN après la crise de 1997 ; la concentration sur la lutte antiterroriste (après les attentats de Bali en 2002) ; la distanciation avec Washington après la mise en œuvre de la stratégie du second front contre le terrorisme ou avec les pays occidentaux après leurs critiques contre certaines dérives des armées en Indonésie ou en Thaïlande. La brèche était ouverte et Pékin s’est rapproché de ses voisins avec une approche « holistique » assez semblable à l’approche « sécurité globale » (comprehensive security) adoptée par l’ASEAN ; la sécurité n’est pas seulement une affaire militaire mais elle engage tous les aspects du développement.
Le dessein final – intégrer l’Asie du Sud-Est dans l’espace de sécurité chinois – semble avoir déjà été fixé par la direction du Parti communiste chinois après la crise de 1997 alors que peu d’experts occidentaux l’estimaient possible. Pékin posait avec habileté des jalons pour se rapprocher, multiplier les contacts et les champs de discussion via les dialogues de défense et de coopération afin que peu d’évolutions internes à l’Asie du Sud-Est ne lui échappent. Des formations et des bourses sont proposées ; un des premiers partenaires à bénéficier des largesses chinoises est l’Institut de l’Armée cambodgien puisque les études de 200 cadets sont, tous les ans, complètement prises en charge par Pékin. Au terme de leurs quatre années de formation, ceux-ci passent six mois en Chine (2). Le même schéma se reproduit avec la Thaïlande. Ces contacts permettent une approche ciblée pour développer une coopération en matière d’armement.
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