Magic Weapons: China’s Political Influence Activities under Xi Jinping
Magic Weapons: China’s Political Influence Activities under Xi Jinping
Dans cette étude très factuelle et argumentée, Anne-Marie Brady, professeure à l’Université de Canterbury en Nouvelle-Zélande, prouve que les activités d’influence politique de Pékin à l’étranger sont aujourd’hui nombreuses, conduites avec méthode et dans certains cas, tel que celui de la Nouvelle-Zélande, relativement efficaces pour porter les intérêts et la voix de la Chine au plus haut niveau économique et politique.
L’auteure rappelle que l’approche chinoise de l’influence politique internationale est d’héritage léniniste : le concept de « front uni », auquel les dirigeants chinois actuels font toujours référence, est à l’origine une tactique léniniste d’alliances stratégiques. Elle consiste à considérer toutes les failles internes, même les plus minimes, de l’ennemi (par exemple les divergences d’intérêts entre différents groupes de la population d’un pays, ou au sein même d’un seul groupe – par exemple entre différentes catégories de la « bourgeoisie ») pour le déstabiliser et parvenir in fine à le rallier à sa propre cause. Plus concrètement, aujourd’hui, les activités dites du « front uni » consistent à cibler des catégories de populations de pays étrangers (associations de la diaspora, des étudiants chinois ou groupes d’entrepreneurs, par exemple) ou des individus (personnalités politiques, économiques, chercheurs, entre autres) pour les guider vers les positions chinoises et les utiliser comme relais de ces positions dans leur pays. Les activités sont diverses (encouragements, nominations, partenariats entre individus ou entreprises, rachats, invitations en Chine…), ne concernent pas uniquement des personnes d’origine chinoise et certaines peuvent faciliter l’espionnage. Elles sont conduites par plusieurs institutions rattachées directement au Parti communiste chinois (Département du travail du Front Uni, Département international du Parti, Département central de la propagande ou encore l’Association populaire de Chine pour l’amitié avec les pays étrangers – CPAFFC).
Si ces activités n’ont jamais cessé depuis la création de la République populaire de Chine en 1949, elles se sont particulièrement développées ces cinq dernières années, l’arrivée de Xi Jinping à la tête du parti et du pays. Le Président chinois a notamment rappelé l’importance des travaux du Front uni dans un discours de septembre 2014 reprenant les termes de Mao pour les décrire : il s’agit d’« armes magiques » qu’il faut utiliser au maximum. Les activités et les acteurs concernés par les travaux du Front uni sont devenus plus nombreux sous l’ère Xi Jinping que ceux de son prédécesseur, plus efficaces mais aussi, progressivement, plus identifiés. Dans le cas de la Nouvelle-Zélande, ils concernent des donations à plusieurs partis politiques du pays, des soupçons d’espion- nage concernant un membre du Parlement ou encore la cooptation d’anciens hommes politiques à des postes à responsabilité dans des entreprises chinoises. Une question se pose à la lecture de l’article : si, comme peuvent le faire d’autres gouvernements, le gouvernement chinois cherche aujourd’hui à promouvoir activement sa voix et ses intérêts à l’étranger, avec des méthodes, légales et illégales, qui lui sont propres et héritées du léninisme et du maoïsme, cherche-t-il à promouvoir une cause plus large à l’étranger ? Pour Anne-Marie Brady, alors que Mao voulait promouvoir la Chine comme centre de la révolution communiste mondiale, Xi, lui, cherche à promouvoir un nouveau type de mondialisation et d’ordre économique au sein duquel la Chine occuperait un rôle central. Anne-Marie Brady suggère également que la Chine promeut à l’étranger un modèle de développement alternatif, notamment via son projet dit des « nouvelles routes de la soie ». Ces pistes de réflexion, et plus généralement l’analyse géostratégique des travaux du front uni, mériteraient d’être développées dans les prochaines années.
Cette étude fait déjà référence : elle alimente le débat actuel sur le « sharp power » russe et chinois, et complète l’analyse d’autres pays touchés récemment par l’influence politique chinoise (tel que l’Australie), sans tomber dans la paranoïa généralisatrice – un risque pour ce type de sujet. L’apport le plus précieux de cette étude est l’identification des méthodes opératoires récurrentes conduites par la Chine dans ses activités d’influence politique. Parmi ces méthodes : le développement des relations directes entre groupes de population, notamment entre le Parti communiste chinois et les partis politiques étrangers, entre les entreprises chinoises et les entreprises étrangères – autant au niveau institutionnel qu’individuel. Cette identification pourra servir de cadre d’analyse, voire d’anticipation, pour d’autres pays, alors que la bureaucratie chinoise tend à mettre en application avec les mêmes méthodes d’un pays à l’autre les directives du gouvernement central. Alice Ekman
Cette étude fait déjà référence : elle alimente le débat actuel sur le « sharp power » russe et chinois, et complète l’analyse d’autres pays touchés récemment par l’influence politique chinoise (tel que l’Australie), sans tomber dans la paranoïa généralisatrice – un risque pour ce type de sujet. L’apport le plus précieux de cette étude est l’identification des méthodes opératoires récurrentes conduites par la Chine dans ses activités d’influence politique. Parmi ces méthodes : le développement des relations directes entre groupes de population, notamment entre le Parti communiste chinois et les partis politiques étrangers, entre les entreprises chinoises et les entreprises étrangères – autant au niveau institutionnel qu’individuel. Cette identification pourra servir de cadre d’analyse, voire d’anticipation, pour d’autres pays, alors que la bureaucratie chinoise tend à mettre en application avec les mêmes méthodes d’un pays à l’autre les directives du gouvernement central. ♦