La Turquie d’Erdogan a des ambitions stratégiques désormais clairement revendiquées, s’inscrivant dans une perspective pan-ottomane. Pour Ankara, cela signifie également d’accroître son autonomie en développant une Base industrielle et technologique de défense (BITD) nationale et en jouant sur les ambiguïtés de ses alliances politiques.
Vision stratégique et politique d’armement de la Turquie
Turkey’s Strategic Vision and Armament Policy
Erdogan’s Turkey has clearly-stated pan-Ottoman strategic ambition. For Ankara, this also means increasing its independence, developing a national defence industrial and technological base and playing on the equivocal nature of its political alliances.
Comme le déclare le président turc Recep Tayyip Erdogan, dans sa « Vision 2023 » la Turquie se doit de devenir, à l’horizon 2023 — année marquant le centenaire de la République turque — « une grande puissance au plan global et un acteur majeur de la paix et de la stabilité au Moyen-Orient » (1). Cette « Nouvelle Turquie », qu’il appelle de ses vœux, serait en voie de se hisser au rang de dixième économie mondiale (2).
Dans cette optique, le pays continue à s’affranchir de l’influence des États-Unis, partenaire stratégique essentiel, en accélérant, entre autres, la mise en place d’une industrie d’armement autonome. Ce renforcement de sa base industrielle et technologique de défense (BITD) permettrait à la nouvelle puissance turque d’atteindre ses objectifs géostratégiques, tant au plan intérieur, pour préserver son intégrité territoriale face au séparatisme kurde actif dans le sud-est du pays, mais également en Syrie ; qu’au plan régional, pour poursuivre sa pénétration de la péninsule Arabique et asseoir — entre autres — sa domination face à l’Iran ; enfin, au plan global, pour se poser en concurrent sérieux parmi les pays exportateurs mondiaux d’armement. L’ambition affichée de la Turquie en équipements de défense serait d’atteindre une quasi-autosuffisance et d’exporter 25 milliards de dollars de matériels en 2023 (3). Mais en dépit de ces efforts, sa dépendance vis-à-vis des États-Unis demeure, pour l’heure, une réalité indéniable.
Par ailleurs, ce désir d’autonomie stratégique a progressivement généré des frictions sur la scène internationale. En premier lieu, la recherche de nouveaux partenaires, tels que la Russie et la Chine, a eu pour effet de soulever la vive inquiétude des États-Unis et de l’Otan, alliance dont la Turquie est membre depuis 1952. En outre, à l’instar de son intervention militaire contre les Kurdes de Syrie, son soutien apporté à la coalition sous l’égide de l’Arabie saoudite, contre les rebelles chiites houthis soutenus par l’Iran au Yémen, pourrait à terme renforcer les tensions régionales. Enfin, en poursuivant ses efforts pour développer une base industrielle nationale dans le domaine de l’armement, la Turquie pourrait, dans un avenir proche, devenir une puissance concurrente de certains de ses Alliés.
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