Le Centenaire a suscité un vrai renouveau historiographique sur la Grande Guerre avec des approches inédites et remettant en cause certaines certitudes. Ainsi, il faut admettre que l’armée française est en 1918 la plus moderne et la plus performante alors qu’à l’inverse, l’armée allemande s’est bien écroulée à la fin du Printemps et que sa défaite était inéluctable.
De l’importance du renouveau historiographique sur la Grande Guerre
An Important New Look at Histories of the Great War
The centenary has led to a completely new look at the published history of the Great War, with some unprecedented approaches that call into question a number of hitherto accepted facts. From this, it would seem that in 1918 the French army was the most modern and effective, whereas the German army caved in at the end of the spring of that year, leading to an unavoidable defeat.
Pour l’historien, et plus particulièrement pour l’historien de la chose militaire, les cinq années qui vont s’achever le 11 novembre prochain auront été celles du centenaire de la Première Guerre mondiale. Ces cinq années de commémorations officielles, médiatiques, culturelles nous ont montré à quel point la mémoire de ce conflit était vivante – dans notre pays, mais pas seulement. Cela n’a rien d’étonnant quand on sait le traumatisme qu’il a représenté, ainsi que la disparition de tant de réalités multiséculaires ou l’émergence de phénomènes nouveaux qui marqueront à tout jamais non seulement le XXe siècle, mais bien tout l’avenir de l’humanité. Inutile d’y revenir ici.
Pourtant, par-delà la mémoire de cet événement, ces années furent également l’occasion de constater dans quelle mesure son historiographie a bénéficié de bouleversements extraordinaires accumulés tout au long des trois dernières décennies. Bien sûr, ce renouveau historiographique a surtout concerné les champs de l’histoire sociale, de l’histoire des mentalités et de représentations, voire de l’histoire économique. En comparaison, son histoire proprement « militaire », c’est-à-dire l’histoire de la tactique, des opérations et des stratégies – « l’histoire-bataille », comme on disait autrefois, avec un peu de condescendance, voire de mépris – a donné lieu à un bien moins grand nombre de publications, que ce soit en France ou à l’étranger. Deux grandes raisons expliquent cela. D’abord, le fait que ces champs et ces objets d’études n’avaient pratiquement pas été explorés pendant près de soixante-dix ans ; il convenait donc de rattraper ce très dommageable retard. Ensuite, le fait que bien peu d’historiens sont réellement compétents pour les traiter – ou sont désireux de s’y atteler. L’histoire militaire a en effet ceci de commun avec l’histoire économique (ou avec l’histoire des techniques, ou celle des sciences) qu’elle nécessite une « double compétence » de la part de celui ou de celle qui s’y spécialise.
Cependant, et même s’il reste quantitativement – et médiatiquement – en retrait, un travail considérable a malgré tout été réalisé par les chercheurs ces quinze dernières années, notamment dans le monde anglo-saxon, sur les aspects militaires et opérationnels de la Grande Guerre. Naturellement, le poids mémoriel – et donc aussi émotionnel – de l’événement est tel que les historiens tendent d’abord à étudier ce qui concerne directement leur nation : les Britanniques travaillent plus volontiers sur la Somme, les Australiens sur les Dardanelles ou la campagne de Palestine, les Canadiens sur Vimy, et les Français sur la Marne, Verdun ou les Balkans (le film de Bertrand Tavernier, Capitaine Conan, est passé par là).
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