La doctrine de la Guerre juste, pensée par les pères de l’Église il y a plusieurs siècles, a-t-elle encore une place et une pertinence dans la conflictualité contemporaine ? À cette question, le colonel François-Régis Legrier répond par l’affirmative et s’attelle dans cet essai à la fois érudit et accessible à montrer pourquoi « les principes de la Guerre juste et plus largement le message de l’Église au sujet de l’organisation sociale et politique peuvent contribuer à redonner au politique ses lettres de noblesse ».

La démarche de l’auteur s’enracine d’abord dans un constat : celui de la déstabilisation des démocraties occidentales, qu’il considère comme ballottées entre illusions et contradictions face au fait social intégral que constitue la guerre, avec « une conséquence majeure, l’incapacité à penser la guerre correctement ». Fort de ce constat, Si tu veux la Paix propose en premier lieu une réflexion bien menée sur la nature de la guerre et sur son évolution depuis l’Antiquité, réflexion qui puise dans des sources très diverses, de l’incomparable Clausewitz jusqu’à Henri Hude en passant par René Girard, Camus et Soloviev. La rupture fondamentale de la Révolution française, qui marque le début du retour à l’esprit des guerres totales de l’Antiquité, y est plus particulièrement analysée dans ses conséquences, tant elle constitue selon l’auteur une « inversion des valeurs dévoyant l’action guerrière de son but ».

Pour contrer les effets pervers de cette « rupture métaphysique » dont les manifestations sont encore vivaces au XXI^e siècle par l’interventionnisme occidental, l’officier de l’Armée de terre incite l’autorité politique à puiser aux sources de la doctrine de la Guerre juste fondée sur trois piliers classiques : une autorité légitime, une juste cause et une intention droite. Un retour aux sources de la prudence guidé non pas par la religion – quoique la foi profonde de l’auteur ne fasse aucun doute – mais par la loi naturelle, la doctrine de la Guerre juste étant, selon le colonel Legrier, un outil conceptuel universel et rationnel qui doit « permettre au politique d’éviter la guerre ».

Si tu veux la Paix est ainsi un excellent compendium pour qui veut cerner la notion de Guerre juste, en particulier et les mutations de la guerre, en général. Cet essai offre par ailleurs une analyse rigoureuse sur les contradictions de notre modèle social écartelé entre recherche du bien-être matériel et exaltation des valeurs guerrières, entre pacifisme dans le discours et bellicisme sur le terrain. On y trouve aussi de bonnes réflexions sur la place de l’institution militaire et sur le métier de soldat en France. Enfin, cet essai propose une grille de lecture des engagements occidentaux récents, le lecteur étant naturellement invité à les passer au crible des trois principes de la Guerre juste… Pour mieux se rendre compte de leur pertinence. On lira donc ces pages, dédiées à feu Hervé Coutau-Bégarie dont l’auteur fut l’élève, en appréciant la charpente d’un raisonnement bien structuré, qui se distingue par sa netteté et sa cohérence. Les jugements parfois sévères portés par l’auteur sur les choix occidentaux, qui pourraient être nuancés, n’étanchent pas la tonalité résolument optimiste de l’ouvrage. ♦