La réconciliation franco-allemande constitue l’un des piliers fondateurs de la construction européenne. La dimension militaire en fait partie avec des réalisations concrètes mais il existe encore des divergences sur les objectifs stratégiques pour rendre la défense européenne vraiment opérationnelle. Des progrès sont possibles.
La France, l’Allemagne et la défense européenne : une locomotive symbolique plus qu’opérationnelle ?
France, Germany and European Defence—More Symbolic than Operational?
Franco-German reconciliation was one of the founding pillars of European construction. The military dimension of this policy has resulted in some positive developments but disagreements still exist on the strategic objectives for a truly operational European defence structure. There is progress still to be made.
Face à des menaces multiples, dont la remise en cause du multilatéralisme constitue un symptôme croissant, la France et l’Allemagne se sont fait ces dernières années les chantres de l’autonomie stratégique européenne. Paris et Berlin ont ainsi remis au centre du projet européen leur relation bilatérale, notamment sur le plan militaire. Pour certains commentateurs, Paris et Berlin seraient même les derniers europhiles sur lesquels s’appuyer pour maintenir à flot la construction européenne (1). Pour autant, si Paris et Berlin multiplient depuis l’été 2016 les initiatives bilatérales en direction d’une autonomie stratégique accrue pour l’Union européenne, cela ne signifie pas pour autant que les doctrines stratégiques française et allemande convergent en tous points. Tant s’en faut, car leurs cultures stratégiques demeurent divergentes (2).
De même, l’efficacité opérationnelle de la coopération militaire franco-allemande est régulièrement l’objet de critiques : le seul exemple de l’hélicoptère Tigre produit en commun mais s’appuyant sur plusieurs cahiers des charges différents suffit souvent à alimenter le doute sur cette efficacité, et sa capacité à fournir un laboratoire crédible pour une défense européenne plus développée. Or, ne regarder que les résultats concrets de la coopération militaire franco-allemande en Europe revient à négliger l’objet fondamental de cette coopération : la réconciliation politique. C’est bien cette réconciliation qui est historiquement au cœur du processus, et qu’il a fallu nourrir par des réalisations concrètes, et non l’inverse. Il nous semble donc ici important de revenir en particulier sur le rôle du symbolisme politique dans la coopération militaire franco-allemande, avant d’en pointer quelques limites récurrentes.
Une coopération militaire fortement symbolique
Depuis ses origines, la coopération militaire franco-allemande revêt une spécificité par rapport à d’autres coopérations militaires bilatérales moins imprégnées d’un caractère historique et politique, telles que la coopération militaire franco-britannique par exemple : un recours coutumier à la dimension symbolique (3). La période 2016-2018 n’y fait pas exception, avec un recours fréquent aux symboles visant à légitimer la coopération franco-allemande dans le domaine militaire et son rôle de locomotive pour la défense européenne. Or, les symboles sont tout particulièrement importants en matière de défense, et plus encore de défense européenne.
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