La question de la dissuasion nucléaire en Europe est restée longtemps un sujet ambivalent. Le parapluie américain était censé assurer cette fonction. Or, les atermoiements de l’Administration Trump semblent la remettre en cause. Le débat est donc rouvert, en sachant que la France restera la seule puissance nucléaire après le Brexit.
L’Europe, la France et la dissuasion nucléaire
Europe, France and Nuclear Deterrence
Nuclear deterrence in Europe has long been the subject of ambivalence. The American umbrella was supposed to have ensured such deterrence yet the prevarications of the Trump administration are calling it into question. Given that France will be the sole nuclear power in the European Union after Brexit, the debate has been reopened.
Début février, le président de la Conférence de Munich sur la sécurité, Wolfgang Ischinger, a relancé la question d’une éventuelle extension du parapluie nucléaire français au reste de l’Europe : « Il s’agit de savoir si et comment la France pourrait être disposée à mettre stratégiquement sa capacité nucléaire au profit de l’ensemble de l’Union européenne. » (1) Ces déclarations font notamment suite à l’annonce par les États-Unis, le 1er février 2019, de leur retrait du traité sur les forces nucléaires intermédiaires (FNI) de 1987.
Elles illustrent le retour en Europe d’un débat sur le nucléaire qu’on avait cru enterré. Alors que les dynamiques actuelles de sécurité sur le continent conduisent à rehausser la place des questions de dissuasion nucléaire en Europe, il est utile de remettre en perspective ce débat nucléaire, à l’aune de ses évolutions historiques et du contexte stratégique aujourd’hui, mais aussi de réfléchir aux enjeux pour la France.
Perspective historique sur le débat nucléaire en Europe
La dissuasion nucléaire a joué un rôle fondamental dans la préservation de la paix et de la stabilité stratégique en Europe depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Pour un grand nombre de pays européens, elle continue de jouer un rôle essentiel, limité à des circonstances extrêmes, pour la défense de leurs intérêts vitaux. Il faut à cet égard considérer la relation de l’Europe aux armes nucléaires dans ses multiples aspects : l’Alliance atlantique (alliance nucléaire, car l’Europe est l’un des deux théâtres où s’exerce la dissuasion élargie américaine), la construction européenne (l’UE n’a évidemment pas de rôle en matière de dissuasion nucléaire mais la solidarité croissante entre États-membres a des implications politiques et stratégiques, en particulier pour les deux puissances nucléaires européennes), la dimension bilatérale et bien sûr la dimension nationale, pour les États dotés concernés.
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