L’Europe doit se fixer comme objectif politique une autonomie stratégique cohérente et crédible, dépassant la simple analyse des menaces. L’UE doit se doter d’un document stratégique définissant les intérêts communs, et d’une loi de programmation militaire pour combler des lacunes capacitaires identifiées depuis longtemps.
Vers une autonomie stratégique européenne
Towards European Strategic Autonomy
Europe needs to set itself the political objective of acquiring coherent and credible strategic autonomy that goes beyond simple analyses of threats. The EU must create a strategic document that defines common interests and a military programming law that bridges the long-identified capability gaps.
Demander à un Français ce que représente l’autonomie stratégique pour la défense et la sécurité revient à lui demander à quoi servent la baguette de pain et le vin rouge dans la gastronomie française. Le terme autonomie stratégique est utilisé 15 fois dans le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2013 et 28 fois dans la Revue stratégique de défense et de sécurité nationale de 2017 dont 7 fois sous le vocable autonomie stratégique européenne. L’autonomie stratégique est donc un élément de la culture stratégique française. Cet aspect culturel est extrêmement important puisqu’il permet de comprendre l’importance de cette notion en France mais également ses limites lorsque l’on veut l’appliquer au niveau européen.
La vision qu’a la France de son autonomie stratégique est inséparable de son histoire. La France est une puissance moyenne, dotée de l’arme nucléaire, disposant d’un siège de membre permanent au Conseil de sécurité et consacrant près de 2 % du PIB à sa défense. Notre pays a voulu être en capacité de ne pas dépendre d’autrui pour sa fourniture d’armement suite à la crise de Suez de 1956 et à l’absence de soutien des États-Unis. Ce choix politique était possible du fait de notre capacité économique et permettait à notre pays d’exercer pleinement notre souveraineté sans contrainte potentiellement contraire à nos intérêts. Cette ligne de conduite ne s’est jamais démentie, même lorsque la France est revenue dans le commandement militaire intégré de l’Otan en 2009. Cette autonomie stratégique souhaitée par la France et exprimée dès la fin de la crise de Suez – avec comme point d’orgue la sortie du commandement militaire intégré de l’Otan en 1966 – ne signifiait pas pour autant que notre pays renonçait à ses alliances et surtout à soutenir ses alliés en cas de crise grave. Ainsi, la France soutint les États-Unis en 1962 lors de la crise de Cuba et en 1979 lors de la crise des otages de Téhéran. La France a également encouragé le déploiement des missiles de l’Otan en Europe lors de la crise des euromissiles de 1983 – ce fut le discours du président de la République François Mitterrand au Bundestag – alors même que certains pays européens hésitaient à appliquer la décision de l’Otan. La France a participé aux deux opérations militaires de l’Otan les plus importantes, celle du Kosovo en 1999 et celle d’Afghanistan dans les années 2000.
L’autonomie stratégique est un moyen de pouvoir parler d’égal à égal avec le pays le plus important de l’Alliance atlantique – les États-Unis – et non pas un moyen destiné à affaiblir l’Otan.
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