Les Européens sont confrontés à une crise existentielle, remettant en cause le modèle de l’UE. Les pays se sont polarisés et crispés avec des divergences d’intérêts obligeant à revoir deux approches pour l’avenir : cohésion et souveraineté européenne ; questions centrales pour la prochaine Commission, à l’issue du scrutin du 26 mai.
Construire la souveraineté européenne : l’enjeu de la cohésion des Européens
Building European Sovereignty: the Challenge of European Cohesion
Europeans are facing an existential crisis that calls the EU model into question. Countries have become polarised and tense, and their diverging interests require a new look at two approaches for the future—cohesion and European sovereignty. These are central issues for the Commission following the elections of 26 May 2019.
L’heure de la souveraineté européenne serait arrivée. C’est en tout cas le titre de ce qui restera le dernier discours sur l’état de l’Union européenne de Jean-Claude Juncker (1). Le président de la Commission européenne y défendait l’idée simple mais puissante que, face à la violence et l’imprévisibilité du XXIe siècle, seule l’Europe permettra aux Européens de rester maître de leur destin. Ce n’est donc pas un constat que dresse J.-C. Juncker mais un projet politique pour l’avenir du continent européen qu’il commence à élaborer.
Et, il faut convenir que plusieurs facteurs peuvent laisser penser que celle-ci pourrait émerger. Le contexte international, d’une part, est déterminant. Depuis 2014 (date à laquelle J.-C. Juncker est entré en fonction), le monde a profondément changé et des tendances se sont affirmées. La relation avec les États-Unis a ainsi continué à se distendre de façon spectaculaire. L’arrivée à la Maison-Blanche d’un Président notoirement opposé à l’intégration européenne a ainsi confirmé que les intérêts européens et américains, loin d’être identiques, pouvaient diverger sensiblement. Les sources de conflit entre Europe et États-Unis sont désormais multiples (commerciales, diplomatiques, climatiques, etc.). Cette évolution confirme que l’Europe a perdu sa centralité stratégique pour les États-Unis, déjà perceptible dans le pivot vers l’Asie de l’Administration Obama. Plus inquiétant peut-être, le mandat de Donald Trump aura été marqué par un recul important du système multilatéral, déjà perclus de contradictions et limitations. Le monde de Trump, Xi, Poutine et Erdogan est celui du retour des politiques de puissance, qui apparaît bien moins favorable à l’entreprise d’intégration européenne.
Face à ces évolutions, d’autre part, les Européens ne sont pas restés immobiles et ont multiplié les initiatives qui peuvent laisser penser que l’heure est favorable à l’émergence d’une souveraineté européenne. Tout d’abord, les Européens ont réussi à rester relativement unis face à ce contexte international en tension. Que cela soit face aux menaces et coups d’éclat de Trump, sur les sanctions contre la Russie ou dans les négociations sur la sortie du Royaume-Uni, les Européens ont réussi à parler d’une seule voix et à ne pas se laisser emporter par leurs divergences de vue. L’Union a, par ailleurs, effectué une véritable révolution copernicienne sur la question de la défense. Qui aurait pu imaginer, en 2014, que la Coopération structurée permanente (CSP), cette « Belle au bois dormant » (2) des Traités s’éveillerait ? Qui se serait risqué à annoncer alors la création à horizon 2020 d’un Fonds européen de la défense, venant bouleverser le paysage européen du financement de la recherche et de l’innovation de défense ? Au-delà des questions de défense, l’Union a adopté un cadre pour filtrer les investissements directs étrangers (IDE) dans des domaines sensibles de son économie (3) et songe, de nouveau, à adopter un instrument pour inciter ses partenaires à la réciprocité dans l’ouverture de leurs marchés publics (4).
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