L’expansion de mégapoles surpeuplées constitue un enjeu de sécurité. Le développement de villes connectées (smart cities) modifie les modes d’action militaire. Cela oblige à une réflexion doctrinale renouvelée pour répondre aux défis d’un engagement de nos forces dans un environnement urbain complexe et plus dangereux.
Smart cities: Siege Warfare in Era 4.0
The expansion of over-populated megalopolises poses a challenge for security, and the development of smart cities is modifying modes of military action. New doctrinal thinking is needed to respond to the challenges of any commitment of our forces in a complex and more dangerous urban environment.
Les zones urbaines représenteront, à l’horizon 2050, le principal territoire de concentration de la population mondiale. L’urbanisation, qui est un fait déjà ancien, devrait concerner près de 10 milliards d’individus (1). Les migrations concerneraient, quant à elles, près de 400 millions de personnes, déplacées en particulier vers les zones urbaines (2). Cette concentration de populations entraînera probablement des situations de précarité, de disparités sociales et économiques. Les zones urbaines seront des lieux pour la criminalité, les gangs et les tensions communautaires, sans parler des luttes politiques dont la guerre est la forme extrême (3). À cet horizon, les villes – du moins certaines d’entre elles – deviendront des smart cities et offriront une réalité augmentée, prégnante et totalisante. Comment, dans un tel contexte, ces villes « intelligentes » (4) réagiront-elles face à la conflictualité et plus particulièrement aux dynamiques de siège ? Ainsi, selon le modèle de ville auquel nous sommes confrontés, une militarisation de l’espace urbain émerge. La ville, le monde urbain deviennent « l’ultime champ de bataille » (5).
Dynamique de la conflictualité des zones urbaines
La densité démographique qui s’accroît au niveau mondial, de même que la dynamique d’urbanisation, sont deux facteurs majeurs qui concourent à la militarisation des espaces urbains. La densification des zones urbaines émergentes, où les villes sont sur-concentrées (6), multidimensionnelles, avec des structures non adaptées au nombre d’habitants (réseaux routiers, ferrés, d’eau, d’électricité, etc.), procurant alors des facilités d’actions pour les éventuels insurgés (7). De plus, les zones de dynamique démographique forte se trouvent surtout dans les régions du monde les moins développées, avec pour conséquence d’entraîner des phénomènes de migration intra et interétatiques, pouvant induire à leur tour des déstabilisations de territoires voisins. Ces mouvements renforcent la densité de population dans les centres économiques qui deviennent alors des facteurs de pauvreté. Au-delà des villes, les banlieues ou « slums », se développent tout autant, tandis que la situation économique s’avère de plus en plus difficile, avec probablement des conséquences majeures telles que des renversements de pouvoir, comme ce fut le cas au Liberia, où la dynamique insurrectionnelle s’était concentrée sur la ville de Monrovia (8). En ce qui concerne les zones urbaines souffrant d’insécurité, une dynamique insurrectionnelle pourrait porter atteinte à l’ensemble du fonctionnement de la ville, notamment aux différents réseaux (électricité, eau, métro, etc.), entraînant une paralysie et une difficulté d’intervention. Les zones urbaines sont dotées d’une densité de population qui crée des vulnérabilités aux attaques terroristes, tout en permettant aux groupes terroristes de bénéficier de l’environnement pour se fondre dans la masse. L’ensemble de ces facteurs complique le contrôle sur le terrain, d’où la nécessité de détenir une force militaire ou de sécurité conséquente, pour garantir une dynamique opérationnelle dans les cas les plus graves. Comme le relevaient déjà J. Morrison Taw et B. Hoffman en 1994, cette situation obligera nécessairement les États à devoir traiter inexorablement les dynamiques insurrectionnelles traditionnelles au prisme des zones urbaines. Comme l’évoque S. Graham (9), pour certains spécialistes, la géographie des zones urbaines combine de nombreuses zones de couverture pour se camoufler, que ce soit au niveau horizontal, vertical ou souterrain. Le retour d’expérience des conflits des années 1990 (Tchétchénie) et 2000 (Irak) se révèle particulièrement intéressant. En ce qui concerne les multiples batailles de Falloujah notamment, il est possible de parler d’un « pouvoir égalisateur de la ville », tant l’action dans ce type d’environnement avantage le défenseur-connaisseur du terrain (10). C’était là l’un des enseignements majeurs de Stalingrad, redécouvert au prix du sang quelques décennies plus tard.
Au plan social également, une dynamique de mouvement contestataire contre toutes formes de représentation d’autorité ou d’institution se traduira par des manifestations sociales et parfois insurrectionnelles. Ainsi, selon Graham, de nombreux mouvements d’insurgés ont renoué avec l’idée que la clandestinité, la guérilla, leur donnent une chance de survie dans la « jungle urbaine ». Ce constat montre que la guerre va se concentrer d’abord dans les zones urbaines (11), tout en étant à proximité des ressources pour durer (s’alimenter, se protéger, s’informer), au milieu des civils. En effet, évoluer au milieu de la population permet de se protéger d’opérations ou d’actions des forces de sécurité (12).
Dynamique de la conflictualité des zones urbaines
Une des genèses de la smart city
Smart cities ou la guerre de siège 4.0 : un siège de nouvelle nature
Smart cities, siège, mégapole, réseau