La territorialisation des espaces maritimes traduit la pression des États riverains pour mieux contrôler des zones d’intérêt économique ou stratégique. C’est le cas de la Méditerranée, d’autant plus que la découverte d’hydrocarbure dans la partie orientale accroît la tension. Il est urgent que les gouvernements trouvent des compromis.
La territorialisation de la Méditerranée à l’origine de nouveaux équilibres stratégiques
Territorial Takeovers in the Mediterranean and New Strategic Balances
‘Territorialisation’ of sea areas results from increasing pressure on coastal nations to ensure better control over their economic and strategic areas of interest. This is even more true for the Mediterranean, given that the discovery of oil and gas deposits is leading to increased tension in the area. There is an urgent need for governments to find solutions.
Les poissons ont senti se resserrer les ondes entre les murs jetés au sein de mers profondes
(Horace Livre III, Ode 1re, strophe 9).
Mer semi-fermée représentant seulement 1 % de la surface maritime mondiale, la Méditerranée n’en est pas moins un carrefour majeur, concentrant 25 % du trafic maritime mondial avec, notamment, le « rail » reliant le Canal de Suez à Gibraltar. Bordée de vingt-deux États représentant 450 millions d’habitants, la Méditerranée est aussi un espace de fractures et de crises où s’expriment des rivalités territoriales et maritimes. Sa densité de navigation conjuguée à la proximité de ses États riverains induite par son exiguïté transforment la Méditerranée en véritable laboratoire des enjeux maritimes mondiaux. En effet, depuis quelques années, notamment à la faveur de la découverte de nouveaux gisements de ressources naturelles, les vieux conflits ou antagonismes récurrents qui sommeillaient dans certaines régions se réveillent et les querelles pour l’accès aux ressources deviennent de plus en plus âpres et ostensibles. Les États côtiers perçoivent désormais l’intérêt de revendiquer l’extension de leur juridiction sur des espaces non déclarés faisant ainsi surgir des différends, voire des conflits qui semblent s’enliser dans des situations de blocage mais peuvent rapidement monter à leur paroxysme. Il s’agit du phénomène de territorialisation des mers tendance lourde au niveau mondial et pour lequel, comme dans de nombreux autres domaines, la Méditerranée constitue un véritable laboratoire.
La territorialisation des mers, retour au premier plan d’un enjeu historique
« Vous n’ignorez pas que l’océan est anglais sur les quatre mers dont on ne sait pas bien où elles s’arrêtent » assénait au XVIIe siècle Kenelm Digby, ambassadeur de la reine Henriette d’Angleterre. Il voulait ainsi convaincre Grotius de la vanité du principe de liberté des mers porté par son livre Mare liberum et de la légitimité de la souveraineté anglaise sur les mers et les océans défendue par John Selden dans Mare clausum (1). Cette volonté de « territorialiser » les espaces maritimes et leurs richesses en les plaçant sous la souveraineté d’États n’est donc pas nouvelle. La Mare nostrum des Romains en est une autre illustration encore plus ancienne. Mais elle prend une dimension stratégique accrue avec la prise de conscience que les ressources des océans sont les seules capables de prendre le relais d’une terre épuisée pour nourrir des êtres humains de plus en plus nombreux.
Il reste 90 % de l'article à lire
Plan de l'article