Les États-Unis étaient fortement investis en Méditerranée orientale puis ont baissé l’effort, considérant avoir d’autres priorités. Toutefois, le retour de la Russie dans la région et l’activisme chinois doivent inciter Washington à ne pas se désengager et trouver de nouvelles formes de partenariat et de présence.
Méditerranée orientale : l’impossible poursuite du désengagement américain ?
The Eastern Mediterranean: the Impossible Continuation of American Withdrawal?
The United States, which once had a strong presence in the eastern Mediterranean, has reduced its effort in view of other priorities. The return of Russia to the region, and the Chinese activities there, could nevertheless lead Washington not to withdraw and to seek new forms of partnership and of presence.
En novembre 2018, la revue The National Interest formulait en ces termes la nécessité d’un réengagement américain en Méditerranée : « La Russie et la Chine ont fait de la Méditerranée une priorité, les États-Unis parviendront-ils à relever le défi ? (1) » Les politiques et les priorités américaines dans la zone ont été établies au moment de la guerre froide pour endiguer les velléités expansionnistes de l’Union soviétique. Aujourd’hui, la stratégie américaine en Méditerranée est jugée inadaptée aux enjeux contemporains, alors que « la mer de l’Otan » de la guerre froide est devenue un bassin des nouvelles compétitions de puissance.
Or, la Méditerranée demeure un point central des intérêts américains. Au cours de la dernière décennie, la région a connu une succession de crises sans précédent (politiques, économiques et migratoires) qui ont totalement déstabilisé les pays du littoral méditerranéen. Par ailleurs, de nouvelles découvertes de gisements gaziers au large des côtes égyptiennes, d’Israël ou de Chypre ont renforcé les possibilités de développement économiques mais aussi les convoitises et les tensions politiques. Malgré ces évolutions, l’engagement américain en Méditerranée a continué de s’amenuiser. Cette empreinte de plus en plus légère a laissé la place à d’autres acteurs de poids : la Russie, la Chine, la Turquie et l’Iran. Toutefois, l’Administration Trump, qui a fait de la compétition de puissance une priorité stratégique, entend se concentrer sur l’engagement en Indo-Pacifique, et poursuivre la bascule stratégique amorcée par le président Obama.
Pourtant, le retour des jeux de puissance est indéniable en Méditerranée. Au cours de l’année 2018 les démonstrations de la force navale russe sur fond de conflit syrien ont démontré le retour de la Russie sur ce théâtre. Cette réaffirmation de puissance inquiète d’autant plus les Alliés européens que le positionnement américain vis-à-vis de l’Otan est devenu incertain suite aux déclarations du président Trump sur le retrait des troupes américaines de Syrie, mais aussi sur l’obsolescence du traité de l’Atlantique Nord. Alors que se profile la fin du conflit syrien, les cartes sont en train d’être redistribuées dans cette zone géostratégique redevenue cruciale. Loin d’une poursuite du désengagement annoncé, c’est un nouveau « containment » (2) qui paraît nécessaire pour endiguer la Russie, la Chine et l’Iran en Méditerranée orientale. Ces dernières années, la stratégie américaine est restée cantonnée à des opérations militaires tactiques quand la nature plurielle des jeux de puissance dans la zone requiert une approche stratégique pour parer à toute éventualité de « guerre totale ».
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