La Chine développe une stratégie étudiée vers les pays de la rive Nord de la Méditerranée avec des alliances commerciales et des participations renforçant son commerce. Habilement, Pékin joue sur des relations bilatérales plus faciles à établir, au risque d’affaiblir l’Union européenne désormais plus vigilante.
Stratégies chinoises sur les rives Nord de la Méditerranée
Chinese Strategy on the Northern Coasts of the Mediterranean
China is developing a carefully thought-out strategy regarding the countries on the northern shores of the Mediterranean, with commercial alliances and partnerships to boost its commerce. Beijing is playing a crafty game: its easily established bilateral relationships risk weakening a henceforth more vigilant European Union.
À ce jour, l’Union européenne reste devant les États-Unis comme le premier partenaire commercial de la Chine. Avec plus de 600 milliards d’euros, la relation commerciale sino-européenne est la première au monde. L’UE est le deuxième marché à l’exportation de la Chine et son premier fournisseur. La République populaire de Chine est, quant à elle, le premier fournisseur de l’UE et son deuxième marché à l’exportation. Plus des trois quarts de ce commerce empruntent les voies maritimes. Plus proche de la Chine que les grands ports de l’Europe du Nord, l’Europe du Sud occupe une position stratégique pour Pékin. Les ports d’Europe du Sud modernisés, aux capacités augmentées, réduisent les délais et les coûts de transport. Ces nouvelles portes d’entrée peuvent rendre plus compétitives les exportations chinoises et les faire croître. Pour ces raisons, les rives Nord du bassin méditerranéen ont été identifiées comme l’un des points d’aboutissement de la Belt and Road Initiative (BRI). Ainsi, peu à peu, les opérateurs chinois réorientent le commerce maritime sino-européen vers les rives septentrionales de la Méditerranée afin de réduire les délais et les coûts de transport, permettant aux ports d’Europe du Sud de gagner des parts de marché face aux ports géants d’Europe du Nord (1). Sur la période 2010-2016, les investissements dans le secteur des infrastructures en Europe constituaient le deuxième poste d’investissements de la Chine en Europe avec 15 % du volume global. Les rachats de terminaux ou les prises de participations par les deux géants COSCO et China Merchants Port se sont multipliés dans le bassin méditerranéen.
De nouvelles portes d’entrée vers l’Union européenne
La Grèce est devenue la tête de pont des intérêts chinois dans la Méditerranée. La Chine fut pour Athènes un soutien crucial durant la crise de la dette et les relations entre les deux pays se sont approfondies, générant un contexte favorable pour les investisseurs chinois. COSCO a pris le contrôle du port du Pyrée en 2016. Sa capacité a sextuplé et ses résultats se sont considérablement améliorés. Il est ainsi passé en quelques années du 93e au 36e rang mondial et du 4e au deuxième rang dans la Méditerranée (2). Des projets visant à mettre en place un yachting center et à accroître les capacités d’accueil de croisiéristes sont en cours. Ses interconnexions avec les infrastructures ferroviaires sont améliorées.
En 2016, COSCO – allié au Port de Qingdao – a pris possession de 49,9 % des parts du port italien de Vado (Savone), principal terminal réfrigéré de la Méditerranée. Partenaires de Maersk, les deux groupes chinois se sont aussi engagés dans le développement d’un nouveau terminal pour conteneurs qui devrait être achevé en 2019. Alors que le port a connu une augmentation de 68 % de son trafic en 2018, il espère une nouvelle clientèle en Italie du Nord mais aussi en France, en Suisse et en Autriche. Au mois de mars 2019, alors que l’Italie signait un protocole d’accord en vue d’intégrer la BRI, de nouveaux accords préfigurent le renforcement de la présence dans les ports de Trieste et Gênes avec des projets de développement d’infrastructures visant la réorientation du trafic dans l’Adriatique et la mer de Ligurie (3).
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