21 leçons pour le XXIe siècle
21 leçons pour le XXIe siècle
Puisque ce numéro fait référence à la mondialisation, comment ne pas évoquer le remarquable essai de Yuval Noah Harari qui décrypte l’évolution du monde et de nos sociétés en ce début de XXIe siècle. Cette réflexion à mi-chemin entre l’ouvrage de développement personnel et l’essai philosophique s’inscrit en droite ligne de ses deux précédents livres intitulés Sapiens et Homo Deus. Elle se présente comme une série de « leçons » à la mode de celles du Collège de France qui englobent chacune magistralement une problématique essentielle à nos sociétés post-modernes. Elles méritent vraiment d’être lues et relues tant elles collent aux dilemmes que se posent citoyens et dirigeants des trois rives de la Méditerranée (Nord-Sud-Est). Ces vingt-et-une leçons, d’une douzaine de pages chacune, sont regroupées en cinq parties très bien rédigées.
La première partie aborde le défi technologique appliqué au travail, à la liberté, à l’égalité et aux désillusions qu’il est susceptible d’engendrer. La deuxième, consacrée au défi politique, traite de la communauté, de la civilisation, du nationalisme, de la religion et de l’immigration, toutes notions malmenées ces dernières années. La troisième entre dans le vif du sujet avec des thèmes aussi sensibles que le terrorisme, la guerre, l’humilité, Dieu et la laïcité. La leçon sur la guerre, sous-titrée « ne jamais sous-estimer la bêtise humaine » est particulièrement pertinente et devrait intéresser tous les lecteurs de la RDN. La quatrième partie, intitulée « Vérité », élève le débat avec les notions d’ignorance, de justice, de post-vérité et même de science-fiction, concluant que le futur n’est pas celui que l’on voit au cinéma. Chacun devrait relire trois fois la leçon sur l’ignorance tant elle est pleine de bons sens : « vous en savez toujours moins que vous ne le pensez », nous invitant à lire, à nous instruire et à nous perfectionner tout au long de notre vie. La réflexion sur « le trou noir du pouvoir » est percutante ; pour l’auteur, les dirigeants (par forcément politiques d’ailleurs) sont confrontés au dilemme suivant qu’il leur faut en permanence arbitrer : l’action prend du temps, les fonctions de représentations, d’écoute et de communication encore plus ; l’entourage flatte et dénature la vérité ; comment dès lors préserver le temps nécessaire à l’apprentissage, à la réflexion et à la prise de décision, sans tomber dans la procrastination ni l’idéologie. Les propos sur la post-vérité – les fake news – sont d’autant plus intéressants que l’auteur démontre qu’il s’agit d’un travers éternel dont l’histoire est remplie.
La cinquième et dernière partie (« Résilience ») fait office de conclusion, insistant sur l’impérieuse nécessité de privilégier l’éducation (« la seule constante est le changement »), la quête de sens (« la vie n’est pas un récit ») et la méditation, dernière leçon dans laquelle l’auteur se dévoile (un peu), concluant de la manière suivante : « Dans un proche avenir, les algorithmes pourraient rendre quasiment impossible l’observation de la réalité et de l’analyse de soi-même », permettant de tromper plus facilement les gens pour préserver l’ordre social et la quête technologique. Bref, dans le débat opposant les GAFA à Elon Musk, Yuval Noah Harari semble opter pour le second. On peut adhérer ou pas aux propos de l’auteur, mais force est de reconnaître qu’ils sont puissants. ♦