Les mers de Chine font l’objet de revendications territoriales notamment de Pékin et remettent en cause certains fondements du droit de la mer. Celui-ci est ouvertement critiqué car il serait la transposition d’une rationalité occidentale. Il est donc urgent de raffermir le droit de la mer par la communauté internationale.
Éléments de compréhensions juridiques et géopolitiques en mers de Chine
Understanding the Legal and Geopolitical Stakes of the Waters around China
The seas around China attract numerous territorial claims, notably by Beijing, and call into question a number of fundamental precepts of the law of the sea. That law is openly criticised since it is based on Western reasoning: it is therefore urgent that the international community reaffirm the law of the sea.
Pourquoi s’intéresser spécifiquement aux mers de Chine (1) d’un point de vue juridique ou même géopolitique ? Si les espaces maritimes et insulaires ont pu être perçus comme des espaces de l’inconnu et de l’étranger, considérés comme annexes ou secondaires par rapport aux espaces terrestres et condamnés à rester à la marge, aujourd’hui une telle distinction, surtout en ce qu’elle sous-entend une hiérarchie, doit être contestée, comme le fait la Chine. Les mers de Chine en effet ont acquis une place nouvelle sur les cartes et dans les imaginaires des populations riveraines. Mais la compréhension de ces espaces nécessite une approche multidisciplinaire qui est parfois négligée. Une simple interrogation aux ramifications multiples s’impose : quelles sont les dynamiques irriguant l’application contemporaine du droit de la mer par les États riverains des mers de Chine ?
Dépasser la simple transposition d’une rationalité occidentale dans le cadre des mers de Chine
Comprendre le droit de la mer dans les mers de Chine aujourd’hui, c’est d’abord comprendre comment celles-ci se sont constituées en tant qu’espace géopolitique (2), avec leur propre histoire, mais également comment le droit international public y est défini. Yasuaki Onuma, historien japonais du droit international, insiste sur la nécessité de mettre en balance ce qu’il appelle les perspectives internationale, transnationale et transcivilisationnelle (3) pour comprendre les cadres cognitifs par lesquels chacun d’entre nous construit le monde. S’abstenir d’une telle démarche fait courir le risque de se focaliser sur les acteurs non étatiques les plus visibles et de tomber dans une vision occidentalo-centrée. Selon Onuma, pour les États d’Asie orientale, « dans leur compréhension de ce qui constitue eux-mêmes ou les autres, ou encore de ce qui constitue leur intérêt, ces pays gardent encore des cadres cognitifs propres à leurs contextes et présupposés culturels, religieux et historiques ».
Pour les Chinois, la conception ancienne du monde est celle d’un monde basé sur un rapport centre-périphérie formé de cinq cercles concentriques. La Chine occupait le cercle central, entourée de pays tributaires et d’un dernier cercle, celui des barbares. Cette spatialisation de l’espace par la Chine jouera un rôle essentiel dans la stratégie maritime chinoise et dans l’application du droit international dans les mers de Chine puisqu’elle aura des conséquences importantes à la fois sur la perception d’un encerclement par la Chine mais également sur l’utilisation par les autorités chinoises des délimitations définies par la Convention des Nations unies sur le droit de la mer (CNUDM). Les mers de Chine, en tant qu’espaces géopolitiques, se sont donc construites selon un faisceau de contextes, d’expériences et d’influences. Ainsi, les guerres de l’opium représenteraient la confrontation de la Chine avec le défi représenté par la civilisation européenne et ont été une étape primordiale dans la naissance de la modernité chinoise.
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