La fin de la guerre froide avec la réunification allemande obligeait la France à revoir sa politique étrangère. François Mitterrand, à défaut d’anticiper, réussit à s’adapter à des changements géopolitiques profonds, sans pour autant parvenir à construire un système européen de sécurité indépendant des États-Unis.
François Mitterrand et la guerre froide : fin de partie
François Mitterrand and the Cold War: Endgame
With the end of the Cold War and German reunification, France needed to review its foreign policy. François Mitterrand, though failing to anticipate change, succeeded in adapting to fundamental geopolitical changes yet did not manage to build a European security structure independent of the United States.
Quand François Mitterrand arriva au pouvoir en 1981, Ronald Reagan était devenu peu auparavant président des États-Unis, avec un programme nettement plus énergique à l’égard de l’URSS et du communisme en général que celui de ses prédécesseurs. Le monde entrait dans une « nouvelle guerre froide ». François Mitterrand réagit en insistant sur la nécessité de maintenir l’« équilibre », afin d’éviter une dangereuse escalade de cette « nouvelle guerre froide ». Pour ce faire, il était soucieux de contenir l’URSS avec l’aide des États-Unis, mais en même temps de contrebalancer les États-Unis en renforçant la Communauté économique européenne (CEE).
Il est vrai qu’au-delà des discours et des postures, et au-delà des polémiques de l’époque et des discussions entre historiens aujourd’hui, François Mitterrand devait en fait poursuivre dans une large mesure les orientations de ses prédécesseurs. La politique extérieure et les réflexes des diplomates et du monde politique ne changeaient pas en profondeur. C’était toujours l’exploitation au profit des objectifs français des équilibres croisés apparus dans les années 1950 : l’Alliance atlantique rééquilibrait l’URSS, et une discrète réassurance à Moscou était destinée à équilibrer l’Allemagne, ce que l’on a pu appeler dès 1952 la « double sécurité ». La politique française trouvait en fait son axe grâce aux circonstances exceptionnelles induites par la guerre froide, qui maintenaient l’Allemagne divisée et évitaient à la France, pour la première fois dans son histoire, de se retrouver en première ligne dans les tensions européennes, et qui valorisaient son rôle international, tout en lui assurant automatiquement et quelles que fussent les manifestations de son indépendance, la garantie américaine. Ce confort intellectuel explique sans doute que la diplomatie française et le Président, lui-même, n’aient guère vu venir les bouleversements de l’automne 1989, et n’aient admis la perspective inéluctable et imminente d’une réunification allemande pure et simple qu’après le voyage du chancelier Kohl à Moscou début février 1990 et les élections en RDA en mars.
L’expulsion de 47 diplomates soviétiques
En même temps Mitterrand veilla tout de suite à maintenir très concrètement ces équilibres en démontrant que la présence de ministres communistes au gouvernement n’obérait nullement sa politique extérieure. En effet, l’arrivée de ceux-ci suscita dans de nombreux milieux, en France et à l’étranger, de l’inquiétude. La France n’allait-elle pas s’aligner sur l’URSS ? Cette crainte fut cependant rapidement écartée : le 5 avril 1983, 47 diplomates soviétiques et leurs familles furent expulsés. Or, les expulsions de ce genre n’avaient jamais concerné qu’un, voire deux individus. Le signal était fort ! Mais l’URSS avait monté un gigantesque programme d’espionnage technologique contre les pays occidentaux, dont la France. Cela avait été révélé aux services français par un membre du KGB participant à l’opération (nom de code : « Farewell »). L’expulsion massive et sans précédent d’avril 1983 était donc la réponse de Paris. Et dans son numéro de décembre 1983, la RDN publiait un article très inspiré utilisant en fait les documents « Farewell » pour démonter le gigantesque système d’espionnage technologique mis en place par Moscou et décrire ses mécanismes (1). Le but était de bien marquer que Paris, quels que fussent les avatars de sa politique intérieure, restait dans le camp occidental.
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