Après avoir consacré ses forces à la lutte contre le terrorisme, le Pentagone a décidé de revoir sa doctrine qui semble obsolète face aux nouveaux défis posés par la Russie et la Chine. Le concept de Mosaic Warfare devrait ainsi proposer une nouvelle approche plus efficace et réaliste, utilisant toutes les ressources du numérique.
La guerre mosaïque : antidote à la surenchère technologique ?
Mosaic Warfare: an Antidote to Technological Excess?
Having once committed its forces to the struggle against terrorism, the Pentagon has decided to review its doctrine which, given the new challenges posed by Russia and China, seems somewhat obsolete. The mosaic warfare concept should offer a new, more effective and realistic approach through drawing on the many resources of the digital world.
Si le titre choisi pour la doctrine proposée en septembre 2019 par la DARPA (Defense Advanced Research Projects Agency) et le DoD (Department of Defense), la « guerre mosaïque » (Mosaic Warfare), est quelque peu mystérieux, son mérite est de parfaitement illustrer son idée centrale : la guerre de demain sera faite par des unités de taille réduite, assemblées en vue de combattre de manière fluide et décentralisée, sans structure préalablement définie. L’idée implicitement charriée ici est qu’une mosaïque s’oppose à un puzzle. En effet, si tous deux cherchent à figurer une image à partir d’une multitude de petites pièces combinées les unes aux autres, ils diffèrent néanmoins de manière radicale du point de vue de la gestion de la rareté. En effet, dans un puzzle, chaque pièce possède une place prédéfinie sans laquelle le tableau reste incomplet. Si l’une ou plusieurs sont perdues, il devient même impossible de façonner l’image que l’on souhaitait reproduire. À l’inverse, dans une mosaïque, lorsqu’un carreau vient à manquer, il peut être remplacé par n’importe quel autre, de forme ou de couleur comparable, pour parvenir à la fin voulue.
Constatant les lenteurs et les blocages de la supply chain des forces armées américaines, la nouvelle doctrine conçue par les chercheurs du Mitchell Institute for Aerospace Studies dirigé par David Deptula, ancien général de l’US Air Force, a pour ambition de faire du déploiement opérationnel un processus plus proche de la construction d’une mosaïque que de celle d’un puzzle. Plus souple, plus réactive, la doctrine de la « guerre mosaïque » permettrait à toute unité de s’assembler à n’importe quelle autre, selon les besoins de la mission, les caractéristiques du terrain, de l’ennemi ou de l’aide que peuvent apporter les alliés locaux. Le format serait ainsi choisi afin d’être parfaitement adapté au but et à l’effet recherchés, plutôt que de respecter une architecture de système préétablie. L’expérience tirée des « jeux de guerre » organisés par la RAND Corporation est en effet sans appel : face aux moyens que la Chine et la Russie sont capables de déployer dans des théâtres proches de leurs frontières, les forces américaines seraient mises en échec, car elles ne pourraient acheminer suffisamment d’hommes et de matériels avant que les objectifs stratégiques adverses ne soient atteints (1).
Trop lourdes ou impossibles à atteindre en raison d’objectifs ou de matériels inadaptés, insuffisamment mises à jour en fonction des capacités de leurs « pairs », les procédures de déploiement retardent considérablement l’assemblage des unités et leur projection. Dans la perspective de la guerre mosaïque, les unités devraient au contraire être semblables, selon une image plusieurs fois répétée dans l’étude, à des pièces de Lego, c’est-à-dire « faites pour être pratiquement universellement compatibles les unes avec les autres » (2). Voyons quels sont les avantages attendus d’une telle conversion à l’interopérabilité totale et les moyens nécessaires pour parvenir à la transformation radicale proposée par le groupe de réflexion de David Deptula.
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