La multipolarisation ne change pas seulement le nombre des acteurs, mais la nature de leurs relations et cette transformation ne consiste pas seulement à passer du conflit à la coopération. Il s’agit d’une diversification, ainsi que d’une transformation plus profonde et plus complexe qui fait apparaître de nouveaux clivages et de nouvelles solidarités, et dans laquelle l’influence indirecte et réciproque que les évolutions et les révolutions respectives des différentes sociétés exercent les unes sur les autres prend une importance croissante. Cette influence, jadis gelée à l’époque de la guerre froide par le monolithisme des blocs, est désormais libérée par la détente. Quelle Europe naîtra de cette conjoncture complexe : une Europe dominée par la coopération des deux grands ? Une Europe à dominante atlantique ? Une Europe de l’Oural à l’Atlantique ? Ou bien une Europe européenne et équilibrée ? Cette Europe-là ne se fera pas sans une ferme volonté des Européens, ni, hélas, sans frictions.
Texte paru pour la première fois dans le n° 320 de la RDN, en mars 1973.