Le Sud-Est asiatique est une région à la fois compliquée et sensible, située à la limite de plusieurs mondes. L'auteur, qui vit en Thaïlande depuis de nombreuses années, analyse ici des mouvements nés dans ceux des pays où l'Islam n'est pas majoritaire, mais qui sont soutenus de l'extérieur, y compris par des voisins. Ces rébellions agissent souvent de concert avec des mouvements communistes et deviennent ainsi un danger commun, mais elles peuvent être un germe de dissension à l'intérieur de l'ASEAN.
Les rébellions des minorités musulmanes en Asie du Sud-Est
On perçoit souvent les pays libres de l’Asie du Sud-Est comme menacés uniquement par le danger communiste, que celui-ci soit incarné par les partis communistes nationaux ou par une menace d’intervention militaire vietnamienne. Or, récemment, des voix se sont élevées en Malaisie et en Indonésie, pays islamiques, pour déclarer que la montée de l’intégrisme représente un plus grand danger pour les autorités que le communisme. En outre, dans les faits, les révoltes des minorités musulmanes en Thaïlande, en Birmanie et aux Philippines, provoquent, dans leur ensemble, bien plus de morts et de dommages matériels que les guérillas communistes.
Les mouvements séparatistes en Thaïlande et en Birmanie
C’est à partir de 1948 que les Thaïs musulmans (1) organisent un véritable mouvement revendicatif puis séparatiste. Ils réclament l’usage du malais à côté de celui du thaï pour les fonctionnaires travaillant dans le Sud, le transfert aux congrégations religieuses du pouvoir de créer et de lever des impôts, dans le Sud, 80 % des postes administratifs pour les musulmans et la nomination d’un haut-commissaire. Ces exigences sont suivies de manifestations dans la province de Narathiwat qui sont durement réprimées, provoquant la fuite de nombreux musulmans dans la province malaise voisine de Kelantan. Une première pétition est alors envoyée à la Grande-Bretagne, et une seconde à l’ONU, celle-ci signée par 250 000 personnes qui demandent le rattachement des provinces de Yala, Pattani et Narathiwat à la Fédération de Malaisie. Ces démarches ne produisent aucun résultat. Devant l’insurrection communiste qui vient de se déclencher, la Grande-Bretagne demande aux autorités malaises d’aider à mettre fin à ces troubles, puis elle envoie une délégation à Bangkok pour y signifier son acceptation de pourvoir la Thaïlande en matériel et en facilités d’entraînement pour la lutte anti-guérilla. Le gouvernement thaïlandais, en échange, fait savoir, en février 1949, qu’il est d’accord pour que le contrôle de la frontière soit mieux assuré (2).
En 1960 naît une deuxième vague contestataire appuyée secrètement par des organisations et partis politiques malais. Dans l’île de Penang, Mohamed Asri, futur président du parti islamique de Malaisie (3), rencontre les séparatistes thaïs musulmans, dont le Tungku (prince) Yala Nasé (4). Il y est décidé la fondation de deux organisations séparatistes. La première voit le jour cette même année et prend le nom de Front national révolutionnaire. Ses dirigeants proclament que leur but est la libération de tous les « Malais » de Thaïlande. Au début de 1961, Yala Nasé s’adjoint Po Yé (5), un jeune musulman thaïlandais recherché pour meurtre, et le désigne comme chef de l’armée populaire nationale pour la libération de Pattani, lui-même devenant président du Front national de libération de la République de Pattani.
Il reste 88 % de l'article à lire
Plan de l'article