Les trois principaux partis communistes occidentaux, français, italien, espagnol, se sont en apparence ralliés aux thèses officielles de leurs pays respectifs sur la défense militaire. Si les grandes options ne sont pas mises en question, en est-il de même pour les priorités et les arrière-pensées ? Pour pouvoir aspirer au gouvernement de leur pays, ces partis doivent montrer leur attachement à l’indépendance et à la souveraineté nationale, à l’Occident et à ses alliances. L’absence de neuf partis, dont l’espagnol et l’italien, à la conférence des partis communistes européens sur la paix et le désarmement organisée par le PCF consacre cependant une certaine rupture de l’eurocommunisme. L’Afghanistan a apporté un choc supplémentaire, et chaque parti semble prendre, dans son pays, une position originale, mais on verra probablement d’autres changements.
Texte paru pour la première fois dans le numéro 402 de la RDN, en septembre 1980.
Euro-communism and Euro-strategy
[RDN n° 402, August/September 1980] The three main Western communist parties, in France, Italy and Spain, would appear to rally to the official lines of their respective countries on military defence matters. Though they do not call into question the principal policy options, what of their priorities and ulterior motives? In order to aspire to the government of their countries, these parties need to show their attachment to independence, national sovereignty, the West more generally and its alliances. The absence of nine parties, of which the Spanish and Italian ones, from the European communist parties’ conference on peace and disarmament organised by the French communist party (PCF) nevertheless shows a degree of dissent within Euro-communism. Afghanistan was a further shock and each party appears to be taking a particular position within the context of its own country: further changes are likely.
En septembre 1977, la défense de l’Europe a été le dernier thème d’affrontement entre les communistes français et leurs partenaires socialistes et radicaux de gauche le jour de la rupture de l’Union. En avril 1980, c’est encore à propos des questions de sécurité en Europe que la conférence des partis communistes européens sur la paix et le désarmement, organisée par le PCF avec le parti polonais, consacre – par l’absence de neuf partis dont l’italien et l’espagnol – une certaine rupture de l’eurocommunisme. N’y aurait-il pas là plus qu’un hasard ?
Au minimum, on se heurte à un paradoxe intéressant. Dans les deux cas, l’opposition, si opposition il y a, porte plus sur les procédures, les symboles et les arrière-pensées que sur des décisions concrètes. Si la définition minima (la seule qui garde un semblant de réalité) de l’eurocommunisme est celle d’une adaptation des partis communistes occidentaux aux conditions spécifiques de leurs pays respectifs, il n’y a pas de domaine où elle s’applique davantage et où elle soulève moins de problèmes (entre ces partis, et entre eux et leurs alliés ou ex-alliés socialistes) que la politique de défense de ces pays. Chacun des trois partis communistes dont nous nous occupons ici (le français, l’italien et l’espagnol) s’est adapté à son consensus national respectif et est devenu, pour l’essentiel, un défenseur jaloux du statu quo, en se contentant d’en donner une interprétation restrictive et vigilante quant aux déviations éventuelles.
Le PCF, depuis le Programme commun, ne demande plus la sortie de la France de l’Alliance atlantique : il s’est fait, depuis 1977, l’avocat de la force de dissuasion et se veut le gardien intransigeant de la fidélité gaulliste. Le PCI s’est intégré au consensus atlantique et européen de son pays ; depuis 1975 il accepte l’Otan, y compris la standardisation des armements ; mais il en combat l’extension politique et géographique. Le PCE est hostile à l’entrée de l’Espagne à l’Otan, mais il accepte les bases américaines, comme facteur d’équilibre. Il aspire à la fois à une Espagne non alignée et à une défense européenne autonome, conception que l’on retrouve chez ses rivaux du Parti socialiste (PSOE).