La grammaire stratégique classique n’a plus cours. À sa place, des règles incertaines et des frontières diffuses entre politique et stratégie, et deux champs de confusion ; celui des armes nucléaires et celui de l’intervention militaire qu’explore l’auteur. Désordre et contradictions sont désormais les constantes de la dérégulation stratégique, laissant les sociétés incapables de dialoguer entre elles, alors qu’il y a urgence.
Texte paru pour la première fois dans le n° 729 de la RDN, en avril 2010.
Strategic Uncertainty and Political Ambiguity
[RDN No 729, April 2010] Classical strategic language no longer has its place. Instead, we have vague rules and diffuse boundaries between policy and strategy, together with two areas of confusion: that of nuclear weapons and that of military intervention. The author explores the disorder and contradictions that are henceforth the constants of strategic deregulation that renders societies incapable of speaking to each other—despite the urgent need to do so.
Rarement l’ordre international aura-t-il été placé, autant qu’à notre époque, sous le signe de l’incertitude. De plus en plus, les stratégies des acteurs semblent contradictoires, et leurs objectifs ambigus. Parfois, on a l’impression que la stratégie et la politique s’effacent l’une et l’autre au profit de deux dynamiques qui s’affrontent : celle de la technique et celle des passions.
La révolution des moyens de destruction a mis en cause la hiérarchie verticale de la puissance. La révolution des communications a mis en cause la structuration horizontale des territoires et des unités politiques. La révolution des mentalités, combinée avec les deux premières, a mis brutalement en contact des conceptions opposées de la vie et de la mort. La multiplication et l’hétérogénéité des acteurs et des réseaux a mis en cause la distinction rigide de l’ami et de l’ennemi, au profit de relations complexes et ambivalentes.
La distinction de la guerre et de la paix, celle du militaire et du civil, celle de l’intérieur et de l’extérieur, celle du public et du privé, se trouvent à leur tour mises en cause.