C’est de la régulation stratégique qu’il s’agit dans cette réflexion qui examine comment y contribuent la négociation, la dissuasion et l’intimidation. En convoquant théoriciens et analystes, et en examinant le système international dont il pointe les limites, l’auteur montre qu’elle est plus que jamais fragile. La désorganisation du monde ne cesse de grandir avec un brouillage des différents acteurs, chacun se fixant ses propres règles et réfutant celles des autres.
Texte paru pour la première fois dans le n° 289 de la RDN, en mars 2013.
Regulation and Strategy: the Era of Mass Disorganisation?
[RDN n° 758, March 2013] This essay looks at strategic regulation and how negotiation, deterrence and intimidation contribute to it. The author calls on theoreticians and analysts, and examines the international system and its limits to show that strategic regulation is more fragile than ever. Worldwide disorganisation continues to grow, with blurring of the various players, each of which fixes his own rules and refutes those of others.
Le XXIe siècle semble s’annoncer comme celui de la déstructuration permanente ponctuée par des restructurations partielles et provisoires. Les excès du capitalisme dérégulé et mondialisé, ceux de l’exploitation de l’environnement et, surtout, les progrès de la cybernétique et la variété de ses utilisations amènent dans la plupart des domaines des tentatives de retour à la régulation ou à la réglementation, ainsi que la recherche de codes communs entre cultures aux traditions différentes et aux évolutions interdépendantes, mais parfois opposées.
Qu’en est-il, à cet égard, de la stratégie ? A priori, elle ne peut se passer de points de repères et d’un minimum de codes communs sans lesquels ni dissuasion, ni menaces, ni sanctions n’auraient de sens, mais elle s’accommode mal de la régulation ou de la réglementation. Après tout, son premier principe est la recherche de la liberté d’action ; le secret, la surprise, la dissimulation, la ruse sont parmi ses armes principales. Et cependant, l’intérêt commun entre adversaires à éviter une guerre nucléaire ou la ruine par la course aux armements, a inspiré un développement notable de la négociation permanente, du dialogue, voire de la coopération tacite ou explicite, entre adversaires. Nous voudrions revenir en arrière de près d’un demi-siècle pour réexaminer la naissance de la « maîtrise des armements » (Arms Control), l’influence, à cet égard, de la réflexion d’un des théoriciens les plus importants, le Prix Nobel Thomas Schelling dans les deux livres The Strategy of Conflict (1963) et Arms and Influence (1966), ses succès et ses limites, puis nous demander ce que la situation actuelle offre de nouveau, à la lumière d’un article novateur de l’amiral Dufourcq, « Les signaux de la dissuasion stratégique » et à celle des transformations récentes, culturelles et techniques, de la guerre.
Entre dissuasion coopérative et marchandage coercitif