Le Crime en bleu – Essai de thalassopolitique
Le Crime en bleu – Essai de thalassopolitique
Colonel de gendarmerie, Florian Manet livre avec Le Crime en bleu un tableau complet et précis de l’écosystème des activités illicites en mer. Fort de sa connaissance du monde maritime et de son expérience de chef de la section de recherche de la gendarmerie maritime, cet officier y développe l’idée selon laquelle « la criminalité organisée en mer apparaît comme la face cachée d’une mondialisation des échanges fondée sur la maritimisation des économies ». Partant, le colonel Manet construit un propos à la fois théorique et pratique, qui vise à montrer comment la maritimisation, par ses caractéristiques, agit comme multiplicateur de puissance pour les malfaiteurs. Qu’il s’agisse de narcotrafic (cas d’école par excellence, d’ailleurs largement développé par l’auteur), de contrefaçons, de pêche illicite, de piraterie ou encore de trafic d’êtres humains, l’auteur constate que « telle la bernique, l’activité criminelle s’est accrochée au rocher d’une mondialisation irréversible, lui assurant un avenir des plus prospère ».
Dès lors, l’approche de l’auteur est double. D’une part, il s’attache à caractériser au mieux le phénomène de criminalité maritime, en développant la notion théorique de « thalassocratie criminelle » (d’où le sous-titre de l’ouvrage) : la mer étant un « miroir de puissance », les acteurs illicites l’utilisent comme levier pour étendre leur logique de maîtrise du territoire à la continuité terre-mer. L’ancien chef du service de police judiciaire de la mer déploie ainsi une analyse comparative très pertinente entre le modèle de la criminalité et la géoéconomie portuaire, montrant comment le monde maritime présente malgré lui un terrain d’expansion naturel pour le crime (liberté de naviguer, chaîne de production complexe, possibilité de dissimulation du flux illicite dans un système licite, enjeu financier important).
D’autre part, le colonel Manet s’attache à identifier les meilleurs moyens de riposte, qui sont par définition à concevoir à l’échelle mondiale. Dans ce volet de son propos, on trouve notamment une mise en perspective de l’action de la gendarmerie maritime – ce « trait d’union entre terre et mer » – ainsi qu’un panorama très complet de la sûreté maritime et portuaire. La spécificité de l’action judiciaire en mer y est par ailleurs largement mise en avant. Sans surprise, l’auteur conclut par un appel à une convergence de l’action des acteurs étatiques et privés pour mettre en échec la criminalité organisée agissant sur et par l’océan.
On appréciera l’approche pédagogique de l’essai, qui utilise de fréquents encadrés pour préciser certaines notions ou les rôles des acteurs nationaux et internationaux. Préfacé par le chef d’état-major de la Marine et par le directeur général de la Gendarmerie nationale, Le Crime en bleu constitue en particulier un excellent ouvrage pour qui veut comprendre l’organisation française de l’action de l’État en mer, qui brille par sa singularité. ♦