Recomposition – Le nouveau monde populiste
Avec ce deuxième ouvrage, le jeune journaliste Alexandre Devecchio nous propose une analyse claire et concise de la recomposition politique à l’œuvre sous l’effet de l’émergence d’un populisme protéiforme au sein du monde occidental. Présentant son essai comme « un plaidoyer pour la démocratie », le responsable de l’espace de débat Figaro Vox donne ainsi à comprendre, au fil de dix chapitres bien ciselés, la nature de ces populismes pluriels et les mécanismes politiques qui les portent.
En se positionnant d’emblée au-delà du prêt-à-penser qui entoure le mot bélier qu’est « populisme », Alexandre Devecchio commence par déconstruire les comparaisons hâtives en montrant comment le populisme est avant tout un « style » politique compatible avec différentes idéologies, mais dont la pierre angulaire commune à toutes ses manifestations reste le primat de la nation, et donc du peuple. Prenant soin de pointer les différences fondamentales entre le nationalisme (qui est l’amour de la nation) et le totalitarisme (qui exècre l’idée de nation), mais aussi entre la « démocrature » (qui s’affranchit des règles de la démocratie) et le populisme (qui respecte le jeu démocratique), le journaliste met ainsi en lumière les ressorts du « moment inédit » que constitue l’avènement du populisme. Loin d’être une pâle survivance des années 1930, le populisme est au contraire une réaction nouvelle des peuples pris en étau, dans une ère postnationale, entre les conséquences de la mondialisation et la chape de plomb imposée par la pensée libérale.
En appui d’un propos argumenté et mesuré, l’auteur passe en revue les différentes manifestations du populisme sur l’échiquier politique mondial, de la gauche vers la droite. Après avoir montré que le populisme de gauche est selon lui une impasse en raison de son incapacité fondamentale à concilier fait national et penchant internationaliste, il nous plonge ensuite tour à tour dans le populisme de Donald Trump, dans l’Italie de Salvini et dans le concept de démocratie illibérale théorisé par Victor Orban. Fort de ses nombreux échanges avec de fins observateurs de l’arène politique mondiale au sein de Figaro Vox, Alexandre Devecchio propose une analyse très pertinente des murs porteurs de ces populismes de droite qui, chacun à leur manière, ont réussi à formuler le malaise des classes populaires – et d’une partie des classes supérieures – en voie de déclassement. Il en ressort un portrait très équilibré et richement référencé, l’auteur se défendant d’ailleurs de se livrer à un « plaidoyer pour les populismes ». On appréciera notamment son diagnostic sur le poids du facteur « insécurité culturelle » dans le succès des populismes occidentaux. On appréciera également son analyse sur l’avant-gardisme politique dont font preuve les pays de l’Est avec leur capacité à anticiper l’essoufflement des principes libéraux qui, de protecteurs, se sont mués en dictature de l’idéologie hyper individualiste, et donc en une sorte de « tyrannie des minorités ».
« Au déclin de la souveraineté nationale et à l’abdication de politique remplacée par la gouvernance, les peuples ont répondu en devenant populistes » : tel est, in fine, le verdict de l’auteur des Nouveaux enfants du siècle, telle est la nature de la « recomposition » à l’œuvre en Occident. Et l’auteur de conclure en appelant à la réconciliation des peuples et des élites… La balle étant, selon lui, dans le camp des élites, de ceux qui ont « fait sécession » en apprenant à vivre sans le peuple.
À l’heure du Brexit, et alors que la prochaine élection américaine se prépare, on lira donc Recomposition avec intérêt pour disposer d’un éclairage nuancé sur la dynamique populiste. ♦