Le dialogue stratégique avec la Russie n’est pas aisé, mais il reste nécessaire, même si les approches françaises et allemandes ne sont pas totalement convergentes. Cependant, Paris et Berlin doivent poursuivre leurs efforts pour faire progresser l’Europe et discuter avec Moscou.
Une Ostpolitik renouvelée ? Visions depuis l’Allemagne et la France
German and French Views of Renewed Ostpolitik
Strategic dialogue with Russia, though not easy, is necessary even if French and German approaches do not completely converge. For Europe to advance, Paris and Berlin must nevertheless pursue their efforts in discussions with Moscow.
Faut-il à nouveau une Ostpolitik (une politique orientale) ? En Allemagne, certains plaident en ce sens, ainsi un ancien dirigeant politique issu de la SPD, Matthias Platzeck, dans un livre paru en 2020 (1). Nombreux sont cependant ceux critiquant l’appel du Président français à un dialogue stratégique avec la Russie. Le débat est ouvert. L’université de Bonn et l’Institut français ont organisé en novembre 2020 une table ronde sur ce sujet : « Avons-nous besoin d’une Ostpolitik 2.0 ? Visions depuis l’Allemagne et la France ». Il est intéressant d’envisager ces deux visions.
Un survol historique
L’ Ostpolitik congénitale à l’histoire allemande
Le concept d’ Ostpolitik est allemand. Du fait de la géographie, les Allemands ont été, tout au long de l’histoire, au contact du monde slave. Ils ont partagé avec les Russes, plus d’un siècle durant, une même frontière. Après le dernier partage de la Pologne en 1795, la Prusse, relayée par l’Empire allemand en 1871, et les possessions des Habsbourg, devenues Empire d’Autriche en 1804, devinrent voisins de la Russie. Cela jusqu’en 1918. Après la Seconde Guerre mondiale, les Russes furent en Allemagne même, comme occupants, puis tuteurs de la République démocratique allemande.
On peut soutenir que les Allemands ont constamment pratiqué, sans qu’elle ne fût formalisée, une Ostpolitik de fait. Dès le Moyen-Âge, ils se heurtèrent aux Russes, ainsi à la bataille du lac Peïpous en 1242, où Alexandre Newski défit les Chevaliers teutoniques. Le Drang nach Osten (la marche vers l’est) qui débuta dès le XIe siècle, permit cependant aux Allemands d’étendre, au détriment des Slaves, leur espace de domination et de peuplement vers l’Europe centrale et orientale. Si, en 1410, à la bataille de Tannenberg, la défaite des Chevaliers teutoniques face à la Pologne fixa un coup d’arrêt, les conséquences de la Réforme provoquèrent le rebond. La sécularisation en 1525 du domaine des chevaliers teutoniques, qui devint duché de Pusse, puis sa réunion en 1618 avec le Brandebourg engendrèrent la puissance prussienne. Au XVIIIe siècle, malgré leurs différends, Autriche et Prusse, les deux puissances germaniques, s’entendirent avec la Russie pour dépecer la Pologne et poursuivre le Drang nach Osten.
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