Il est de bon ton de dénigrer l’œuvre de Napoléon comme s’il incarnait une France culpabilisante. Or, ce n’est pas le cas et l’Empereur a su à la fois achever la Révolution en consolidant ses acquis et a été un génie de la stratégie militaire. D’où le paradoxe que Napoléon est désormais plus admiré à l’étranger que chez nous.
Plaidoyer pour l’Empereur
A Plea for the Emperor
The current trend is to denigrate all Napoleon’s achievements, as if he were the incarnation of all French guilt. And yet that is far from the case: the Emperor was able to complete the revolution by consolidating what it had achieved, and at the same time he was a genius of military strategy. It is paradoxical that Napoleon is today more greatly admired in other countries than our own.
Les grands hommes de l’Histoire font souvent l’objet de polémiques. C’est notamment le cas de Napoléon dont l’œuvre est contestée par des groupes de pression et certains intellectuels français. Ce constat est d’autant plus paradoxal que l’Empereur bénéficie d’un capital d’admiration étonnant dans le monde entier. Avec le recul du temps, il convient d’examiner avec discernement le bilan de cette personnalité hors du commun qui, malgré des zones d’ombre et des controverses, s’est révélée un remarquable stratège militaire et un bâtisseur génial d’institutions pérennes qui ont forgé le socle de notre démocratie.
Le stratège militaire
Un grand stratège est d’abord un tacticien. Napoléon a mis en lumière ce précieux savoir-faire dans l’extraordinaire série de triomphes militaires qu’il a remportés d’une façon fulgurante pendant la campagne d’Italie (douze succès en douze batailles entre 1796 et 1797) puis durant la période de conquêtes impériales (quarante victoires entre 1805 et 1809, « plus qu’aucun autre chef de guerre, même si l’on additionne les victoires d’Alexandre le Grand, Hannibal et César » (1)). Dans cette épopée, la bataille d’Austerlitz (2 décembre 1805) est considérée par les historiens du monde entier comme un véritable chef-d’œuvre de l’art militaire dans lequel le chef a mis en valeur des qualités exceptionnelles de sens du terrain et de vitesse d’exécution qui ont dérouté et infligé une débâcle aux armées autrichienne et russe. Par ailleurs, l’emploi de nouvelles armes comme le sabre courbe, héritage de la campagne d’Égypte, a apporté des possibilités supplémentaires dans les séquences offensives.
Pour agir, un stratège doit être très bien renseigné. Les victoires de Napoléon sont aussi dues à une utilisation habile d’agents de renseignements. Dans cette thématique, Schulmeister, espion attitré de l’Empereur, a joué un rôle capital. Ce polyglotte, fin diplomate, comédien rusé, rompu aux activités risquées après avoir embrassé une « carrière » de contrebandier, a rempli des missions d’information qui se sont révélées décisives dans de nombreuses batailles. Cet agent secret a notamment accompli une incroyable prouesse à la bataille d’Ulm (15-20 octobre 1805). Se présentant au général Mack, commandant les troupes autrichiennes, comme un aristocrate hongrois se rendant en France, il parvient à persuader que le gros des forces de Napoléon va rentrer en France pour y réprimer des troubles intérieurs. Il fournit des preuves fabriquées, montrant de faux journaux français et des documents officiels qui attestent de cette agitation sociale. La manœuvre d’intoxication réussit. L’état-major fait alors déplacer les unités autrichiennes sans attendre le renfort de leurs alliés russes, pourtant indispensable. Ce déplacement permet à l’armée de Napoléon d’encercler les Autrichiens près d’Ulm et de contraindre Mack à capituler sans combattre, occasionnant de la sorte un minimum de pertes. Le bilan est élogieux : vingt-cinq mille Autrichiens dont dix-huit généraux capturés, soixante canons pris à l’ennemi. Napoléon a fourni des moyens importants à la fonction renseignement. Dans ses campagnes militaires, la recherche d’informations sur les forces et les intentions de l’adversaire ont toujours été au cœur de ses préoccupations. Les missions de renseignement seront confiées à des spécialistes, comme le capitaine de Lagrange, officier au 9e Dragons, un régiment de reconnaissance dont les cavaliers opèrent très en amont jusqu’à avoir le contact avec les avant-gardes ennemies de façon à rendre compte de ses mouvements dans les meilleurs délais.
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