Il aura fallu trois décennies pour que les Européens prennent conscience des enjeux de défense et de sécurité, après s’être abrités sous le parapluie de l’Otan. Sans remettre en cause l’Alliance, il faut renforcer notre capacité à peser sur les affaires du monde en améliorant nos dialogues stratégiques et en développant nos outils de souveraineté.
Construire ensemble la sécurité des générations à venir
Together Building the Security of Future Generations
Europeans are beginning to take on board the challenges of defence and security, having sheltered under the NATO umbrella for thirty years. Without calling the Alliance into question we must nevertheless strengthen our capability to bring weight to world affairs by improving our strategic dialogue and developing our means of sovereignty.
Chacun d’entre nous garde en mémoire le souvenir très précis de la soirée du 9 novembre 1989. Tout avait commencé au printemps, par des coups de cisaille ouvrant des brèches à la frontière entre l’Autriche et la Hongrie. Mais c’est à 19 heures, le 9 novembre 1989, que Günter Schabowski, ministre de l’Information de la RDA, annonce la prise d’effet « immédiate, sans délai », face à des journalistes stupéfaits, de la libéralisation des voyages entre l’Est et l’Ouest. Cette bombe déclenche le raz-de-marée que l’on connaît, qui emportera le mur de Berlin, puis le rideau de fer. Oubliés, les familles séparées, les peuples cadenassés derrière le rideau de fer depuis 1961, les centaines de candidats à l’exil abattus froidement au pied des miradors et des murs de béton. Dans une nuit de folie, une nuit de liesse, une nuit d’histoire, Berlinois de l’Est et de l’Ouest escaladent le mur devant la porte de Brandebourg, sortent des marteaux, des pioches, pour le mettre à bas, se retrouver, s’embrasser. Une première barrière est levée à la Bornholmer Strasse, les autres suivent. L’histoire est en marche pour réunifier une ville, Berlin, un pays, l’Allemagne, un continent, l’Europe.
Cette joie qui a déferlé sur toute l’Europe avec la fin du joug soviétique sur les pays de l’Europe centrale et orientale nous a tous profondément marqués.
D’une certaine façon, je pense que beaucoup ont cru voir là la fin de ce qu’un historien a appelé la « Guerre civile européenne », c’est-à-dire l’enchaînement des horreurs des deux guerres mondiales et la partition de l’Europe après 1945. Beaucoup ont cru, de bonne foi, que nous entrions dans une période de paix, peut-être perpétuelle pour l’Europe. Je vous rappelle que c’est l’époque où Francis Fukuyama avait remis à la mode le concept de « fin de l’Histoire ». Certains imaginaient alors que la « démocratie libérale de marché » avait vocation à se répandre dans le monde entier, rendant progressivement les guerres de moins en moins fréquentes.
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