La guerre d’Indochine a profondément marqué notre histoire militaire contemporaine sans pour autant avoir suscité un intérêt majeur de la part de l’opinion publique française, indifférente à ce conflit lointain et ne concernant que des militaires d’active. De fait, le coût humain, matériel et financier était trop élevé pour la France.
Le Mal jaune : la guerre d’Indochine 1946-1954
The Yellow Peril: the War in Indochina, 1946-1954
The War in Indochina has left a considerable mark on our contemporary military history and yet has not attracted any significant interest of French public opinion, which remains indifferent to that far-flung conflict which only involved active military personnel. The fact is that the human, material and financial costs were too high for France.
Si la guerre d’Indochine constituait la « grande affaire » des sous-lieutenants sortant des écoles d’application à partir de la fin des années 1940, ce n’était nullement le cas, ni du pays, ni des gouvernements successifs, ni même du haut-commandement.
La population française, absorbée par le quotidien de la reconstruction (les cartes de rationnement d’alimentation ne disparaîtront totalement qu’en 1949), puis par les prémices des Trente Glorieuses, ne portait aucun intérêt à cette guerre lointaine, dont les enjeux, mal définis, lui apparaissaient obscurs et, qui plus est, ne concernait que la composante d’active des armées. Il suffit de se reporter à la presse de l’époque qui, sauf quelques reportages ponctuels lors d’affaires graves, n’y consacrait que peu d’articles. Le coup de force japonais du 9 mars 1945 n’a été rapporté par aucun journal, à l’exception du Monde qui n’y a consacré que quatre lignes dans les rares pages intérieures. La couverture de Paris Match représentant le général de Linarès en képi, short et veste de treillis ouverte à Na San, fin 1952, constitue une exception.
Les partis composant les gouvernements successifs, dont l’attention se trouvait concentrée sur la gestion des affaires intérieures, se montraient divisés sur la marche à suivre : la Section française de l’Internationale ouvrière (SFIO) n’a jamais caché qu’elle demeurait favorable à une sortie de crise à la faveur d’un accord avec Ho Chi Minh. Quant au Mouvement républicain populaire (MRP), Bidault en tête, il s’affichait partisan de la recherche d’une solution passant par le maintien de l’influence française, fût-ce au travers du gouvernement de Bao Dai dont la combativité a d’ailleurs toujours été assez relative (en 1948, il lui aurait d’ailleurs préféré le général Xuan, chef du gouvernement autonome de Cochinchine). Ce faisant, la gestion du dossier indochinois était, le plus clair du temps, déléguée au ministre de la France d’Outre-mer, puis à celui des États associés, dont les titulaires ont toujours appartenu au MRP et qui, comme Letourneau, y ont eu une longévité remarquable, puisque ce dernier en a détenu le portefeuille, sans discontinuer plus de trois ans, de 1950 à 1953.
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