Vauban (1633-1707) n’est pas seulement un ingénieur militaire doué. C’est aussi un des grands créateurs de l’État moderne en ayant agi et réfléchi avec une vision globale du territoire pour sa défense, mais aussi pour sa cohérence et son unité. Grand serviteur, il préfigure les transformations qui découleront du Siècle des Lumières.
Vauban
Vauban
Vauban (1633-1707) was not only a gifted military engineer, he was also one of the great creators of the modern state who thought and acted through his broad vision of territory in order to secure its defence, its coherence and its unity. A servant in the grand manner, he foreshadowed the changes that followed the age of enlightenment.
S’il est un immense personnage de l’histoire de France qui est non pas oublié – car il ne l’est pas – mais largement méconnu, et dont la place dans l’épopée de la construction de la France est presque complètement sous-estimée, c’est bien Sébastien Le Prestre de Vauban, maréchal de France, né en 1633 et mort en 1707. On pourrait même ajouter que sa place dans notre histoire est « folklorisée » par sa réduction au seul rôle – certes important – d’ingénieur ayant parsemé notre territoire de fortifications « à la Vauban »… Une telle injustice doit être réparée, non pas tant pour rendre hommage à sa mémoire que pour mieux comprendre l’importance tout à la fois historique et stratégique de cet homme, et surtout peut-être pour réaliser à quel point son action et ses convictions constituent encore des exemples qui sont largement aussi importants et édifiants que ceux de Colbert ou Turgot.
Originaire d’une famille de hobereaux bourguignons, c’est-à-dire de très petite noblesse, il entre dans la carrière des armes à l’âge de dix-huit ans, pendant la Fronde, dans les troupes rebelles du prince de Condé. Il ne tarde pas à rallier les troupes royales et reçoit alors une formation d’expert des fortifications – et donc aussi des sièges. Il s’illustre rapidement dans de nombreux sièges de villes et de places fortes, et s’élève rapidement dans la hiérarchie militaire. En 1673, en présence du roi, il dirige le siège de Maastricht, aux Pays-Bas, lors duquel périt un autre grand serviteur de la monarchie : d’Artagnan. À partir de ce moment, il va devenir le grand théoricien, mais aussi le grand ordonnateur du système de défense des frontières terrestres et maritimes du royaume dont Louis XIV va ordonner la mise en place. Le roi le consulte personnellement pour élaborer les plans des campagnes et il le fera maréchal de France en 1703. Vauban est un bourreau de travail, un homme infatigable qui parcourt la France en tous sens pour superviser les chantiers des places fortes. De cette connaissance profonde du pays et de ses habitants – probablement unique en son genre à cette époque – il a tiré de nombreux enseignements stratégiques, mais également économiques et sociaux. Cela fera de lui bien plus qu’un ingénieur.
Contrairement à une légende un peu complaisante et chauvine, il n’est pas « l’inventeur » des fortifications modernes, dites « fortifications d’artillerie » ou « fortifications bastionnées » ou encore « trace italienne », et que l’on doit à des ingénieurs et des architectes italiens de la Renaissance, près de deux siècles auparavant. Parler de « fortifications à la Vauban » est donc en grande partie un abus de langage. Mais il a considérablement modernisé et réorganisé les systèmes élaborés alors. Il a ainsi conçu un « système » de défense en profondeur permettant d’éviter de concentrer l’effort sur une seule ligne. Il a aussi su tirer pleinement parti de la topographie des sites sur lesquels les forteresses étaient implantées.
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