La Balistique du martyre - Comprendre le terrorisme suicide
La Balistique du martyre - Comprendre le terrorisme suicide
Pour les Occidentaux, le terrorisme suicide réveille des fantasmes. On peut les rattacher à l’ignorance et à l’incompréhension face à un objet aussi extraordinaire. En effet, pour nos contemporains, ce phénomène relève de l’absurde, de la folie ou de la manipulation, parfois des trois. Nous peinons à trouver des explications rationnelles satisfaisantes et rassurantes : misère sociale, déséquilibre mental, manipulation et radicalisation. Pourtant, ce qui apparaît être un scandale absolu pour nous est paradoxalement considéré par le camp adverse comme un acte de générosité et de courage.
Benoît Schnoebelen, dans La Balistique du martyre, nous propose d’aborder ce phénomène sous un angle original. S’appuyant sur des travaux qui ne s’arrêtent pas au terrorisme islamiste, il étudie le terrorisme suicide sous un angle anthropologique, sociologique ou philosophique, reprenant le sujet à la racine. En effet, ce n’est pas la culture ou l’époque qui donne une explication plausible : les Haschischins de Syrie ne ressemblent en rien aux Tigres tamouls, ni à l’armée rouge japonaise. L’engrenage se met en place en s’appuyant sur certains invariants qu’on peut identifier et dont la combinaison rend possible ce phénomène.
Cette approche originale et particulièrement riche de références et d’exemples nous apprend aussi que, sans prendre ce recul, la façon dont nous luttons contre ce phénomène dans nos opérations a souvent été biaisée. Certes, pour trouver des parades à ce phénomène, les armées occidentales se sont appuyées dans l’urgence aux processus qu’elles maîtrisaient le mieux, tendant à assimiler le terrorisme suicide à une forme d’IED (Improvised Explosive Device). L’analyse de Benoît Schnoebelen nous révèle que cette catégorisation n’a pas permis d’appréhender ce phénomène sous le bon angle, tactique comme stratégique. En effet, le terrorisme suicide est en même temps un instant tactique et un moment stratégique. Son effet direct est local, mais ses conséquences sont toujours politiques. Ce procédé a été fort logiquement employé par les mouvements révolutionnaires, dont la violence n’est plus le moyen, mais le but de l’action même. Ils imposent ainsi leur scénario, leur vision du monde à leurs soutiens, à leurs opposants ainsi qu’à tous les indécis.
La Balistique du martyre s’intéresse ainsi successivement à ce qui fonde la nécessité tactique de recourir à ce procédé, et à la place qu’il prend dans nos conceptions politiques. Enfin, il s’intéresse plus spécifiquement, avec lucidité, à ce qui pourrait permettre ou limiter l’extension de ce phénomène en France. ♦