Défendre le territoire n’est pas chose aisée. Cela nécessite d’en comprendre la finalité et d’en définir les moyens. C’est donc bien une approche d’essence politique qui doit s’intéresser à la légitimité de l’emploi de la force armée face à un éventail de menaces de plus en plus polymorphes et complexes.
La sacralisation du territoire national est un dogme périlleux
Rendering National Territory Sacred is a Dangerous Dogma
Defending the territory is far from easy: it requires an understanding of the end and definition of the means. An essentially political approach is therefore needed to examine the legitimacy of the use of armed force in the face of a range of threats of increasingly varied sources, shapes, sizes and complexity.
En juin dernier, l’idée du Président américain d’utiliser l’armée pour mater les révoltes populaires a provoqué un émoi inédit. Dans une intervention brève, mais ferme, le général James Mattis a rappelé : « We must reject any thinking of our cities as a “battlespace” that our uniformed military is called upon to “dominate” . » (1) Nous devons rejeter toute idée que nos villes puissent être des champs de bataille que nos armées seraient appelées à dominer. Au fondement de cette remarque, se trouve le concept classique que l’armée sert à lutter contre un ennemi, c’est-à-dire forcément un corps étranger à la nation et aux citoyens.
C’est aussi la position française, qui distingue les mondes civils et militaires. Seuls ces derniers possèdent le droit de faire usage de la force létale. Cela prend la forme d’une exonération de responsabilité pénale prévue par leur statut. Cette spécificité possède une limite géographique : elle ne vaut qu’à « […] l’extérieur du territoire national ou des eaux nationales françaises […] » (2). En d’autres termes, s’il y a des militaires en action sur le sol français, il n’y a pas d’action spécifiquement militaire. La doctrine française envisage ainsi un continuum qui va de la sécurité, comprise à l’intérieur de nos frontières et incombant aux forces de sécurité appuyée par la main-d’œuvre militaire, à la défense, comprise à l’extérieur et au pré carré des seuls militaires. Le fait que les militaires n’agissent pas ès qualités sur le sol français signifie-t-il pour autant qu’il n’y a pas d’ennemi ou que la guerre est impossible sur le territoire ?
En refusant toute possibilité d’action spécifiquement militaire sur son sol, la France exclut de jure qu’il soit considéré comme un champ de bataille et le sacralise de facto en faisant une confusion angélique entre divin, justice et force ; interdire n’est pas empêcher.
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