2021: New Year Greeting by the Director
2021 : les vœux du directeur
Avant de prendre la plume pour mes vœux 2021, j’ai relu ce que je vous avais écrit l’an dernier pour cette année 2020. Je vous souhaitais « une très belle année, ce qui ne veut pas dire une année facile ». Je ne croyais pas si bien dire, même si dans les menaces que j’évoquais, le risque d’une pandémie mondiale n’apparaissait pas. Mais je terminais par « que les soubresauts intérieurs comme extérieurs que nous vivons et qui nous inquiètent, contribuent enfin à faire prendre en compte que notre capital le plus précieux est l’Homme dans son entièreté ».
Aucunes des menaces que j’évoquais n’ont disparu, elles font toujours partie de l’arsenal auquel nous devons faire face par l’élaboration de nouvelles stratégies de défense et des capacités qui doivent en découler. Et nos lecteurs le savent bien et depuis longtemps, la défense n’est pas circonscrite à la sphère militaire : elle touche aux secteurs économiques, financiers, commerciaux, industriels… La pandémie aura mis à mal l’ensemble de ces secteurs, sans pourtant jamais s’attaquer à aucun d’entre eux directement comme l’auraient fait les menaces habituellement identifiées. La pandémie s’est attaquée à l’Homme, et en le fragilisant, a mis en péril l’ensemble de ces secteurs, comme pour nous rappeler que l’homme reste au cœur de nos systèmes, même si parfois ceux-ci semblent vouloir tourner sans lui. Cette pandémie a montré plus que nous ne voulions le croire, l’interdépendance des hommes, des sociétés et des nations (1).
Cette pandémie aura également, bien involontairement je l’espère, permis de tester les systèmes de défense de nos pays. Il n’est pas anodin qu’en France, dès le début, le président de la République ait décidé de réunir régulièrement le Conseil de défense pour prendre les décisions de gestion de cette crise. Nos fragilités, mais aussi nos forces ont été révélées. Pas un seul de nos ministères, pas une seule de nos administrations, pas une seule de nos entreprises, de nos organisations nationales et internationales n’ont échappé à cette mise à nu. Toutes et tous ont dû s’adapter, faire preuve d’innovation. Certaines organisations internationales, qui auraient dû apporter des solutions dès lors que la crise est devenue mondiale, ont été désemparées.
Cette crise qui est avant tout une crise sanitaire, et qui est donc traitée comme telle, nous apporte des enseignements sur notre défense au sens le plus large qu’il nous faudra absolument prendre en compte. Le retour d’expérience ne peut pas n’être que sanitaire, il devra tendre à améliorer notre capacité collective à répondre à une crise et à en atténuer les conséquences : c’est bien le rôle de la Défense. Et si les États du monde sont différents les uns des autres, les expériences réussies de certaines nations devront servir d’exemple, avec toute l’humilité qu’il conviendra d’adopter.
Mais au-delà des enseignements que chacun des États ou chacune des organisations internationales vont devoir conduire, il convient de comprendre que la pandémie nous a révélé l’état du monde et les nouveaux rapports de force. Ce que nous pressentions s’est confirmé, le monde issu de la Seconde Guerre mondiale n’est plus. Les grandes lignes de ce nouveau monde multipolaire et des stratégies de chacun de ces pôles se dessinent de façon de plus en plus nette. Paradoxalement, nos vieilles démocraties occidentales semblent incapables d’élaborer une réponse commune tant leurs divisions sont grandes. Et les nations qui s’en sont sorties le mieux, semblent mieux armées pour gérer les crises prochaines.
En 2021, nous allons continuer l’effort entrepris. Avec le conseil d’administration et l’équipe de rédaction, nous nous attacherons à expliquer les enjeux qui attendent notre défense face à cette évolution du monde. Comme je vous l’avais déjà annoncé, nous allons créer les conditions d’un débat stratégique sur notre site Internet, réservé dans un premier temps à nos abonnés. Vos avis éclairés doivent contribuer à enrichir les dossiers développés dans les différents numéros.
Au moment où vous lirez ces lignes, je doute fort que la situation soit revenue à la normale dans notre pays. Et pourtant, je ne peux m’empêcher de penser que nous sortirons individuellement et collectivement renforcés de cette crise. La solidarité que nous avons vue se mettre en place autour de nous en est l’un des fruits positifs. Le respect par une grande majorité de nos concitoyens des règles décidées par le gouvernement m’incline à penser que les Français ne sont pas aussi ingouvernables qu’on s’accorde souvent à le penser. C’est pourquoi, j’ose encore vous souhaiter une très bonne année à vous et à ceux qui vous sont chers. Que les épreuves que nous allons immanquablement connaître contribuent à accroître notre capacité collective à faire face plutôt qu’à nous replier sur nous-mêmes. Qu’elles nous permettent de retrouver la foi dans les valeurs qui ont fondé nos sociétés occidentales. ♦
(1) Nicolas Baverez, Le Point, n° 2521 du 10 décembre 2020.