Les coopérations d’armement peuvent être une approche intéressante pour contribuer à l’autonomie stratégique européenne. L’exploitation d’« interstices » peut permettre de progresser et de réussir à lever de nombreux obstacles et à rééquilibrer la relation avec les États-Unis.
Les coopérations d’armement à l’heure de l’autonomie stratégique européenne
Cooperation in Armament and European Strategic Autonomy
Cooperation in the field of armaments may well prove a worthwhile approach and a contribution to European strategic autonomy. Exploiting chinks and loopholes could lead to progress and to successfully removing numerous obstacles, and also to rebalancing the relationship with the United States.
Le 7 novembre 2019, lors d’un entretien à l’hebdomadaire américain The Economist, le président de la République française indiquait : « l’instabilité de notre partenaire américain et les tensions internationales croissantes conduisent à ce que l’idée de défense européenne se développe… J’ajoute que nous devons prendre en compte la situation de l’Otan (1). Je pense en effet que nous faisons face à la mort cérébrale de l’Otan » (2). Cette déclaration souligne la nécessité, selon le Président, de construire un outil de défense capable de répondre aux défis qui pèsent sur la sécurité de l’Europe, compte tenu de la résurgence des tensions avec certains États-puissances, de l’émergence de foyers de tensions à ses frontières et du pivot des États-Unis vers l’Asie. Dans ce contexte, il convient d’examiner sous quelles conditions les coopérations industrielles de défense peuvent contribuer à cette autonomie stratégique européenne. Malgré une politique de défense aux approches protéiformes et l’absence d’une politique industrielle globale, l’Europe dispose de nombreux atouts pour engager la structuration progressive de sa base industrielle et technologique de défense (BITD), en l’adossant à un effort de recherche et d’innovation, ainsi qu’à des partenariats internationaux.
Une identité européenne de défense et d’armement encore en devenir
Pour l’heure, la construction d’une identité de défense européenne se heurte à d’importantes disparités culturelles et à des différences d’appréciations politiques entre les pays membres. Le positionnement de la France, fondé sur le maintien d’un haut niveau d’indépendance dans les décisions politico-militaires et leur mise en œuvre, est unique en Europe. Il repose sur la primauté du chef de l’État pour les décisions de défense, sur un consensus relativement fort dans la classe politique à propos de la conduite des affaires stratégiques et sur un interventionnisme des agences de l’État dans la politique industrielle et la gestion des programmes. Cela n’est pas le cas pour nombre d’autres États européens qui, soit ne possèdent qu’une industrie de défense réduite, soit ne développent pas de politique industrielle spécifique pour l’armement, car ils recourent à des acquisitions sur étagère répondant à la fois à des critères de satisfaction du besoin au meilleur coût et à des considérations diplomatiques. En outre, la vision de nombreux pays de l’Union européenne selon laquelle seuls l’Otan et les États-Unis sont en mesure de garantir leur sécurité occulte en partie la discussion sur la question de l’autonomie stratégique comme voie possible dans le partage du fardeau de la défense du vieux continent.
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