Malraux, au destin si entier, a été un personnage charismatique. Engagé du côté républicain durant la guerre d’Espagne, puis dans la Résistance en 1944, c’est davantage son charisme que l’organisation de son commandement qui a contribué à forger sa légende. Peu militaire dans le comportement, mais guerrier dans l’esprit, il sut transformer son narratif en aventure artistique et politique.
André Malraux et l’esprit guerrier
André Malraux and the Warrior Spirit
Malraux was a charismatic figure who led a very full life. He engaged on the republican side during the Spanish civil war and later in the resistance in 1944, yet it was more his charisma than the organisation of his command that contributed to forging his legend. Not so military in his conduct although warrior in spirit, he was able to transform his narrative into an artistic and political adventure.
« C’est avec des guerriers que les guerres se gagnent,
Pas avec des militaires. »
André Malraux : L’Espoir.
Contrairement à la plupart des gens qui exercent telle ou telle profession, le soldat n’a que bien rarement l’occasion d’exercer son métier. À considérer ce terme dans son sens littéral, certains esprits peuvent même aller jusqu’à soutenir, qu’en toute logique, le métier des armes n’est pas une profession, mais un « emploi accidentel ». Et, poussant la logique, ou le paradoxe, jusque dans ses derniers retranchements, on peut même avancer qu’il cessa d’être une profession le jour où le « soldat de fortune » laissa la place aux « militaires de métier », soit au XVIIe siècle, lors de la guerre de Trente Ans. C’est-à-dire lorsque les troupes mercenaires, entretenues et employées pour des seuls buts de guerre, furent remplacées par des armées permanentes, lesquelles continuèrent à toucher une solde, quand bien même il n’y avait pas de guerre.
Nous sommes ici au cœur de l’alternative entre « militaires » et « guerriers ». Même si le « militaire » s’affirme et veut se poser comme « un professionnel de la guerre », il ne sera jamais reconnu comme un véritable guerrier. Ce dilemme entre « militaire » et « guerrier » sous-tend L’Espoir, une des œuvres maîtresses d’André Malraux, en grande partie autobiographique, où l’auteur donne libre cours à sa fabuleuse imagination pour opposer le « militaire » jusqu’au-boutiste, jusqu’à l’extrême, qui se sert de sa position pour s’emparer du pouvoir par les armes que l’État lui avait confiées pour le défendre, et le « guerrier », le citoyen espagnol, qui se lève spontanément pour s’opposer à ce pronunciamiento, même s’il n’a aucune qualification « professionnelle » pour le faire. En 1944, ayant fédéré les maquis de Corrèze, c’est en tant que commandant de la brigade Alsace-Lorraine, que le même Malraux se trouve être engagé dans les Vosges, aux côtés des « militaires » de la 1re Armée, nouvelle expérience guerrière qu’il rapporte dans Les Noyers de l’Altenbourg.
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