Après deux exposés consacrés au système politique soviétique, aux faiblesses des institutions et à leur avenir, il convient de réfléchir aux problèmes de la société soviétique. Peut-elle, à un moment donné, se transformer de société passive qui subit toujours en un élément actif du devenir politique de l’Union Soviétique ?

Michel Tatu a souligné qu’il fallait s’interroger sur les régimes communistes face aux crises. C’est tout à fait juste. Il faut y ajouter cependant une question plus précise. Les crises qui se développent en URSS, qui la menacent, seront-elles celles de la société tout entière ou seront-elles uniquement des crises à l’intérieur du système ? Quand on regarde l’évolution actuelle du monde communiste, on est frappé par l’irruption de la société sur la scène politique de certains pays. C’est le cas de la Pologne dont l’évolution dans la dernière année (mais aussi au cours des années précédentes) consacre la présence de la société et des problèmes qu’elle pose dans le système politique. On est frappé aussi par l’opposition, qui saute aux yeux, entre cette vitalité de la société polonaise et l’apparente inexistence politique de la société soviétique. En URSS, en effet, la société, depuis soixante-quatre ans, semble s’accommoder d’un système qui, certes, s’est modifié quelque peu mais qui, tout de même, lui refuse de façon systématique tout droit à exister en tant que société civile.

Il est exact que, politiquement passive, cette société manifeste une tendance à résoudre ses frustrations en s’enfonçant dans la corruption, dans la paresse, dans l’ivrognerie, dans maintes manifestations négatives qui, de prime abord, contribuent à perpétuer la passivité et le manque de conscience sociale. Est-ce à dire, pourtant, que c’est là un phénomène général ? Peut-on considérer qu’il existe une barrière hermétique entre le monde extérieur et l’Union Soviétique ? Ce qui s’y passe (en Pologne par exemple) est-il totalement étranger à l’Union Soviétique et reste-t-il sans influence ?