La journée d’études « Revenir du combat, revenir du terrain sensible » organisé par l’Institut de recherche stratégique de l’École militaire (Irsem) a permis de réfléchir sur les enjeux liés au retour, notamment ceux des militaires, après une opération. Les différentes contributions apportent ainsi des éclairages sur un champ loin d’être anodin pour les armées.
Confronter les expériences pour saisir les enjeux du retour
Confronting Experiences to Understand the Challenges Posed by Return
The Revenir du combat, revenir du terrain sensible (return from combat, return from sensitive areas) study day organised by the Irsem (the Institute for strategic research at the military school, in Paris) offered the opportunity to consider the challenges, to military personnel in particular, associated with the return from an operation. The various contributions put the spotlight on a range of issues which for the armed forces are far from trivial.
La pratique du terrain en sciences sociales est guidée par la préoccupation centrale de l’accès aux données des chercheurs sur le terrain et ce, d’autant plus lorsqu’il est considéré comme sensible. De la même manière, le journaliste en terrain sensible veille à recueillir et recouper les informations qui lui permettront de réaliser ses reportages, le tout en toute sécurité pour lui et ses collaborateurs. Les observations, les entretiens achevés, les informations recueillies, les problématiques liées au retour peuvent être considérées comme secondaires, ses modalités pratiques mises en arrière-plan. Or, c’est aussi dans les conditions du retour du chercheur (ou du journaliste) que semblent se jouer plusieurs dimensions indissociables de la conduite et de la continuité des recherches en sciences humaines et sociales : comment contrôler la transmission des informations sensibles recueillies ? Comment s’assurer de la bonne utilisation de ces informations par les institutions de rattachement ? Comment maintenir la continuité du lien avec les enquêté(e)s et de leur sécurité lors de la mise en forme et la publication des données ?
Le mercredi 14 octobre 2020, la journée d’étude en ligne « Revenir du combat, revenir du terrain sensible » organisée par le domaine « Défense et société » de l’IRSEM, confronte cette première approche du retour avec celle, plus singulière, des militaires, pour en analyser les modalités pratiques et les dispositifs d’encadrement. Le retour n’est-il pas d’autant plus lourd de sens, que plane sur les soldats en opérations extérieures la possibilité de la mort au combat ? Au-delà des modalités pratiques, analyser le retour d’opérations des militaires permet d’en questionner les représentations : sa charge émotionnelle et les espoirs placés dans un environnement social (famille, amis, travail, institutions) qu’on a laissé derrière soi, tout comme l’espoir de reprendre la vie « comme avant ». Or, peut-on jamais reprendre une vie « comme avant » après avoir traversé la violence des théâtres d’opérations ?
La pratique des recherches ou de reportages en terrains militarisés – zones de conflits, états-majors, théâtres d’opérations, zones de sinistres – rend particulièrement cruciales les conditions du retour en zone de paix pour l’équilibre personnel des chercheurs ou des journalistes. Revenir, c’est donc, dans un premier temps, constater la difficulté du contexte d’accueil à comprendre ce par quoi le chercheur est passé. C’est aussi devoir mettre en mots la violence et, parfois, ne pas tout dire. En ce sens, le retour implique une forme d’évaluation de la capacité du contexte à recevoir les informations recueillies, ainsi qu’un savant dosage de dissimulation et de dévoilement. Le topo du « retour au bercail » implique bien souvent des formes de dissonances cognitives, de souffrances et de solitudes qu’il faut savoir à prendre en charge. Les souffrances psychologiques du retour peuvent s’avérer être une expérience partagée entre les militaires, les journalistes et les chercheurs.
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