La notion de souveraineté est ancienne et s’est construite sur une approche quasi-religieuse et philosophique avant de devenir politique. De fait, elle évolue à travers les siècles, construisant une complexité juridique dans un environnement réduisant la liberté d’action des États et créant des interdépendances plus ou moins subies.
Aux origines des États : la souveraineté de la limite
The Origins of States: the Sovereignty of Limits
Sovereignty is an age-old notion, originally seen from a virtually religious and philosophical approach before it became political. It has nevertheless evolved across the centuries, to become a legally complex environment that reduces the freedom of action of states by creating, and to a greater or lesser extent imposing, interdependencies.
Ce texte est issu d’une contribution au colloque « La souveraineté en question : la vision gaullienne à l’épreuve du présent », organisé par la Fondation Charles de Gaulle à l’Institut de France, le 15 septembre 2021.
Dans une lettre adressée au Père Mersenne le 15 avril 1630, Descartes justifia en ces termes sa foi dans l’intangibilité des vérités mathématiques : « C’est Dieu qui a établi ces lois en la nature, ainsi qu’un roi établit des lois en son royaume (…) On vous dira que si Dieu a établi ces vérités, il les pourrait changer comme un roi fait ses lois ; à quoi il faut répondre que oui si sa volonté peut changer. – Mais je les comprends comme éternelles et immuables. – Et moi je juge de même de Dieu » (1). Ces quelques lignes éclairent la diversité des facettes – théologique, juridique et épistémologique – de la souveraineté, dont il faut retracer la généalogie pour comprendre sa place dans l’œuvre gaullienne.
Généalogie de la souveraineté
Le concept de souveraineté a été forgé en même temps que celui d’État par les juristes et théologiens médiévaux, pour lesquels la figure première du souverain était le Dieu tout-puissant de l’Ancien Testament (2). Étant le produit de l’histoire institutionnelle de l’Europe occidentale, ces concepts d’État et de souveraineté ne peuvent être projetés sans précaution sur des périodes antérieures ou sur d’autres civilisations. Le droit romain classique ignore la souveraineté, le politique y étant pensé au travers des notions d’imperium, de potestas, d’auctoritas ou de ius (3). De même, pour ne prendre que cet exemple, le Japon s’en est passé jusqu’au XIXe siècle, où il l’importa pour être reconnu comme « État souverain » par les puissances occidentales ; mais cette importation a donné lieu à des définitions de la souveraineté ignorées en Occident (4). Il ne faut donc pas confondre la généralité du problème auquel répond la souveraineté et la spécificité de la réponse qu’elle y apporte.
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