La défense européenne est un long serpent de mer difficile à concrétiser sur le terrain. Pour progresser, il faut une ambition politique partagée par les États-membres et une prise de conscience des enjeux géopolitiques auxquels est confrontée l’Europe pour qu’elle puisse conserver la maîtrise de son destin.
Une défense européenne efficace ne peut naître que d’une ambition partagée
Effective European Defence can only be Built on Common Ambition
European defence is one of those perennial subjects of discussion that continues to defy any real advance. To make such real advance requires a political vision shared by the EU member states and a recognition of the geopolitical challenges that confront them if Europe is to retain control of its destiny.
Depuis la création de l’Otan en 1949, les Européens s’en remettent aux États-Unis pour assurer leur défense. Mais aujourd’hui, l’évolution du contexte sécuritaire mondial se caractérise en même temps par une montée des périls aux abords de l’Europe et un déport des intérêts de sécurité américains vers la zone Asie-Pacifique. Cela implique que les Européens doivent se préparer à assurer une part de plus en plus importante de leur défense par eux-mêmes. Leurs capacités étant insuffisantes pour le faire au niveau national, ils ne peuvent le faire qu’en unissant leurs forces au niveau européen. Le cap avait déjà été fixé par le traité de Maastricht dès 1992 avec l’objectif de parvenir graduellement à une défense commune dans l’Union européenne (UE), mais cet objectif est loin d’être atteint. Il ne s’est traduit jusqu’ici que par des capacités embryonnaires et des opérations de faible envergure, mais surtout par une incapacité opérationnelle à répondre aux défis de ce temps, que ce soit pour évacuer ses ressortissants d’Afghanistan, de protéger ses alliés en Syrie ou de sécuriser ses frontières. Il n’existe pas encore de chaîne de commandement opérationnel complète et permanente dans l’UE et les seules forces dédiées aux opérations européennes, les Battlegroups 1500, n’ont jamais été utilisées. La volonté d’aller vers une autonomie stratégique européenne est régulièrement réaffirmée par le Conseil européen, mais sans qu’une stratégie pour être autonome ait été définie. L’absence de volonté politique est souvent invoquée, pour expliquer la faiblesse des Européens, mais elle n’est que le symptôme d’un manque d’ambition, d’une ambition partagée.
Force est de constater qu’à ce stade, l’ambition européenne en matière de défense reste floue. Au commencement était l’ambition… devrait être un adage inscrit en lettre d’or au frontispice de tous les bâtiments abritant les organes centraux de l’UE tant l’ambition est fondamentale au départ de tout projet : « L’intelligence sans ambition est comme un oiseau sans ailes », nous dit Salvador Dali. Appliquée à la construction d’une défense européenne, la question de l’ambition est naturellement centrale. Sa problématique mérite d’être clarifiée si l’on veut éviter l’impuissance qui désespère nos concitoyens et discrédite le projet européen.
La définition d’une ambition commune de défense européenne se heurte à trois freins : l’existence de l’Otan, les plafonds de verre nationaux et l’absence d’une conscience européenne.
Il reste 72 % de l'article à lire