Les conséquences du rajeunissement du haut commandement militaire pendant la Grande Guerre amenèrent le blocage de l’avancement vers le généralat dans les années 1920-1930. Cela entraîna une chape de plomb sur l’évolution de l’armée et une sclérose de la pensée qui aboutirent au désastre de 1940.
Histoire militaire – Le « magistère bleu horizon » bloque l’avancement des généraux au sortir de la Grande Guerre
Military History—The Magistère bleu horizon Blocked Promotion of General Officers after the Great War
A consequence of the reduction in age of the higher military command during the Great War was a blockage in promotions to field rank in the 1920s. (The Magistère bleu horizon refers to the mass of blue-uniformed, young general officers who then held many of the senior ranks and positions). That in turn acted as ball and chain, hindering development of the army and ossifying thinking: the result was the disaster of 1940.
Le poids des concepts et des idées des vainqueurs de 1918 s’est fait sentir jusque dans les années 1930, si bien que la doctrine française, exprimée dans les Instructions sur l’emploi tactique des Grandes Unités de 1921 et 1936 s’est révélée beaucoup trop conservatrice : on assiste à une sclérose de la pensée, l’interdiction de « penser autrement » et, surtout, le refus intellectuel de se remettre en cause. Cette chape de plomb se révélera fatale à l’éclosion d’idées novatrices et déclassera rapidement l’armée française, même à partir du moment où le gouvernement décidera un effort considérable de réarmement en 1936 (l’Allemagne a réarmé dès 1934, la France en 1936 et la Grande-Bretagne à partir de 1938). Ce sera le « magistère bleu horizon ». Le magistère des vainqueurs de la guerre a, en outre, du fait de l’âge des généraux qui le composaient, bloqué l’avancement.
En comparant les « bigrammes » (1) des généraux commandant les corps d’armée de 1914 avec ceux de novembre 1918, un indiscutable rajeunissement saute aux yeux. En fait, de soixante ans en 1914, la moyenne d’âge est tombée à cinquante-cinq ans et demi. Entre-temps la limite d’âge des généraux était passée de soixante-cinq à soixante-deux ans. Autre constat, le passage dans le grade de divisionnaire qui était de quatre ans et demi, en moyenne en 1914, était tombé à six mois et demi en 1918.
La conséquence s’impose d’elle-même : les généraux de corps d’armée vont continuer à exercer des responsabilités, en moyenne, encore six ans et demi après l’Armistice. Par le même effet, la moyenne d’âge des généraux commandants les armées était tombée de soixante-deux ans en 1914 à cinquante-quatre ans et demi en 1918, soit un an de moins que celle de leurs subordonnés directs. Quand la moyenne d’âge d’un grade est moins élevée que celle du grade précédent, en termes de gestion, ce n’est jamais bon pour les titulaires de ce dernier ! Cela veut dire que la perspective d’avancement des généraux de corps d’armée pour accéder à une cinquième étoile (les rangs et appellations de généraux de corps d’armée et d’armée datent de 1920) est, sauf exception, nulle ! En effet, les vacances ne seront ouvertes que par les décès en activité des généraux d’armée. Ces exceptions ne seront qu’au nombre de trois, Debeney, Naulin et Nollet. Le premier succédera à Buat comme chef d’état-major de l’armée suite à sa mort brutale en 1924 à cinquante-quatre ans, le deuxième sera commandant supérieur des troupes au Maroc durant la guerre du Rif, ce qui explique sa promotion (2) ; quant au dernier, il avait des affinités politiques nettement marquées (3) ; proche des radicaux-socialistes, il sera ministre de la Guerre d’Herriot au moment du Cartel des Gauches (et Grand chancelier de la Légion d’honneur à la mort de Dubail en 1934).
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