La Saga des Bonaparte
La Saga des Bonaparte
Si tout le monde connaît Napoléon et sa légende, peu savent que la famille Bonaparte, originaire de Corse, a joué un rôle important dans l’histoire de France, mais aussi de l’Europe depuis la fin du XVIIIe siècle. Avec de grands personnages essentiels comme Louis Napoléon Bonaparte – l’empereur Napoléon III – ou encore Charlie Bonaparte, installé aux États-Unis et fondateur de l’agence qui allait devenir le FBI. Et d’autres qui eurent une influence non négligeable tant sur la vie politique française que culturelle et intellectuelle comme Marie, disciple de Sigmund Freud, le père de la psychanalyse. D’où l’originalité de cet ouvrage, écrit par Pierre Branda, directeur du patrimoine de la Fondation Napoléon et qui permet de dresser de nombreux portraits d’une famille compliquée, désirant ardemment être reconnue par le gotha européen, connaissant de nombreuses rivalités internes, mais très attachée à défendre l’héritage de Napoléon Ier, la figure emblématique et dont le génie militaire et politique est resté in égalable. La question des mariages et des alliances dynastiques a été longtemps déterminante afin de renforcer la dynastie au sein des cours européennes. Avec des réussites et des échecs, d’autant plus que les souverains européens se méfiaient de cette famille très ambitieuse, mais qui remettait en cause les principes absolutistes considérés alors comme pérennes et intangibles. Car, au-delà des apparences monarchiques, Napoléon et ses héritiers se sont inscrits dans une démarche de progrès et de droit inscrite dans l’esprit du siècle des Lumières, parachevant en quelque sorte les acquis de la Révolution française. Et ce n’est pas un hasard si plusieurs pays européens s’appuient encore sur le Code civil imposé par l’Empereur des Français, signe de sa modernité depuis l’aube du XIXe siècle.
Autre élément à souligner, le lien fort avec le Royaume-Uni, pourtant l’adversaire le plus coriace de l’Empereur. Nombreux furent les Bonaparte à y séjourner, notamment Napoléon III lors de son exil après la défaite de 1870. Cette anglophilie avait pris sa source du temps de Louis Philippe qui, lui aussi, fut exilé en Angleterre et qui sut établir des liens de confiance avec la Reine Victoria qui eut l’occasion de séjourner en France, de la Monarchie de Juillet à la IIIe République, introduisant notamment le tourisme sur la Côte d’Azur. C’est ainsi que celle-ci prit soin de l’impératrice Eugénie devenue veuve en 1873 et de son fils unique, le prince impérial qui mourut au champ d’honneur en 1879, à l’âge de 23 ans sous l’uniforme britannique lors du conflit anglo-zoulou. Eugénie mourut à 94 ans à Madrid, en 1920, avant d’être inhumée avec son époux et son fils en Angleterre.
L’ouvrage a également le mérite de réhabiliter Napoléon III et son épouse, que l’historiographie officielle de la IIIe République voulait condamner à l’oubli. Or, le neveu de Napoléon Ier a fortement contribué au développement économique et industriel de la France au cours de son règne, tant en manifestant un intérêt particulier pour améliorer la condition ouvrière, mettant ainsi en œuvre ses conceptions Saint-Simoniennes. La libéralisation politique – trop tardive – de son régime et le désastre de Sedan ont occulté une grande partie du bilan de Napoléon III et il est aujourd’hui nécessaire de souligner l’apport de Louis Napoléon à l’essor économique et industriel du pays durant la seconde moitié du XIXe siècle.
Autre paradoxe évoqué dans le livre, celui de la fin de l’exil des familles royales et impériales françaises. Il fallut attendre la IVe République pour lever les interdictions, alors même que plusieurs membres de ces familles combattirent courageusement l’occupant nazi. Pour les Bonaparte, cela passa par la Légion étrangère, seule voie légale possible. À cet égard, le général de Gaulle – si féru d’histoire – reconnut les mérites du prince Louis Napoléon, agent du Bureau central de renseignements et d’action (BCRA) puis sous-officier au 17e bataillon de chasseurs à pied (BCP) avant d’accéder au grade de lieutenant sous le nom de Montfort, jadis utilisé par des Bonaparte en exil.
Si la dynastie subsiste toujours, elle s’est faite plus discrète, s’inscrivant désormais dans la vie sociale du Gotha européen tout en cultivant un héritage historique exceptionnel. ♦